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des mers de glace, était la plus stérile des stériles régions du Nord. Les moyens de subsistance étaient rares, les habitans étaient hardis : ils demandèrent alors aux expéditions maritimes les ressources que leur refusait un territoire ingrat. Leurs vaisseaux, pareils aux bancs de glace voyageurs de leurs sauvage contrée, se laissaient aller aux tempêtes et aux courans : leur principale divinité était le glaive. Ces peuples étaient, comme les anciens Saxons, les vagabonds de l’abîme, les maraudeurs des mers. Ils se jetaient avec le courage et l’avidité du cormoran sur la proie qu’ils pouvaient saisir à la surface des vagues ou le long des côtes. On a honte de le dire, mais la piraterie fut généralement, pour les races maritimes du Nord, le berceau de la navigation et du commerce. Quelles étaient maintenant les origines historiques de ces anciens Scandinaves.

Les premiers habitans des contrées situées au-delà de la Baltique étaient étrangers à la race germanique. Les études de ces derniers temps sur les antiquités du Nord ont démontré que les Finnois constituaient, avec des tribus laponnes, la plus ancienne couche de la population historique. Ces indigènes ont été ou refoulés ou soumis par une race qui avait d’autres caractères, un autre langage, une autre religion. Cette dernière race était un rameau de l’arbre teutonique. Les envahisseurs commencèrent contre les indigènes une guerre d’extermination qui se termina par la conquête. Il est triste et curieux de voir au prix de quels efforts et au milieu de quels flots de sang ces peuples se sont fait l’un après l’autre leur place dans le monde. Les épisodes de cette longue guerre fournirent le sujet de plus d’une légende et de poèmes que chantaient les anciens bardes ou scaldes. Au sud de la Scandinavie, la religion, le gouvernement et le langage des Germains s’étaient établis avant Odin. Quand ce chef arriva à la tête de ses vaillans guerriers, il chassa, de concert avec les Goths qui occupaient déjà une partie du territoire, les restes des tribus aborigènes. Ces dernières furent alors obligées de chercher un refuge dans les montagnes, où on les retrouve encore, sur les bords excentriques de la Suède et de la Norvège. Les hommes du Nord, désignés maintenant sous le nom de vikings, qui, du IXe au XIe siècle, se jetèrent sur les côtes de l’Angleterre, étaient les descendans des envahisseurs de la Scandinavie : tout prouve bien qu’ils étaient alliés à la même race d’où sortaient les Saxons. Leur dialecte, malgré des traits évidens d’affinité, s’écartait toutefois de la langue parlée dans la Germanie centrale et dans les parties de l’Angleterre où s’était étendue l’invasion teutonique : cette différence indique assez qu’ils s’étaient séparés de la souche commune à une époque distincte et probablement très ancienne.

Ce nouveau déluge d’hommes n’exerça pas une très grande influence