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dante du trio entre Ninetta, Fernando, et il podesta ! Qui donc leur a permis de gâter un chef-d’œuvre par des oripeaux de baladins ? Le public n’est pas mieux éclairé que les artistes médiocres dont il encourage le mauvais goût, et tout va où s’en vont les choses qui finissent.

Le sujet de Marta est tiré d’une coutume de l’histoire d’Angleterre. M. de Flotow, qui a fait son éducation musicale à Paris, l’avait déjà traité sous la forme d’un ballet, Lady Henriette, qui fut donné à l’Opéra il y a une douzaine d’années. La musique de ce joli scénario était mi-partie de MM. Reber et de Flotow. Le libretto allemand présente de l’intérêt, et il a tout au moins le mérite de n’être pas calqué sur les fastidieux mélodrames qu’on nous fabrique à Paris depuis si longtemps. On y trouve même des scènes piquantes, comme celle du second acte, où les deux servantes, prises au piège, refusent d’obéir aux ordres de leurs nouveaux maîtres. Cette scène des rouets donne lieu à un quatuor fort gai qu’on a fait recommencer. Le premier acte de Marta est faible, y compris l’ouverture, qui n’a pas de caractère. Le second est bien meilleur, et renferme, outre le joli quatuor que je viens de citer, la délicieuse romance de la Rose, qui n’est pas de M. de Flotow, mais du poète irlandais Moore. La mélodie en est triste et touchante, et semble empruntée à une chanson populaire. Deux autres quatuors ingénieusement écrits, des couplets à boire, au troisième acte, que M. Graziani a dits de sa voix mordante, et un duo très piquant pour baryton et mezzo-soprano entre M. Graziani et Mme Nantier-Didiée, qui remplit le rôle de Nancy avec une grâce parfaite, tels sont les morceaux qui nous ont le plus frappé dans l’œuvre de M. de Flotow. Cela s’écoute avec plaisir et repose l’oreille des lieux communs de la musique parisienne. Une légère teinte de rêverie allemande qui traverse l’inspiration de M. de Flotow n’y gâte rien. Je préfère l’agréable composition de M. de Flotow, qui ne vise point à réformer le monde, aux vingt opéras plus ou moins comiques qu’on nous donne depuis des années. L’exécution est d’ailleurs assez bonne. MM. Mario, Graziani et Mme Nantier-Didiée y sont bons à entendre et à voir. Il n’y a que M. Bonetti qui se donne des tourmens inutiles. Y aurait-il donc péril en la demeure si M. le chef d’orchestre du Théâtre-Italien voulait modérer son zèle ? Nous reviendrons sur l’œuvre de M. de Flotow ; nous avons voulu seulement constater aujourd’hui le bon accueil que lui a fait le public parisien, P.Scudo.


LES CORRECTEURS DU TEXTE DE SHAKSPEARE.

Shakspeare’s Scholar : being hislorical and critical studies of his text, characters, and commentators, with an examination of Mr Colliers folio of 1632, by Richard Grant White ; 1 vol. New-York.


On se rappelle l’émotion produite en Angleterre, en Allemagne et jusqu’en Amérique, dans le monde des admirateurs et des dévots de Shakspeare, lorsqu’au mois de janvier 1852 un érudit anglais, M. Collier, annonça la découverte d’un manuscrit annoté par un contemporain de l’auteur de Macbeth, et apportant au texte du grand poète des rectifications essentielles. Le nom et les travaux de l’écrivain à qui était due cette découverte disaient assez combien la question était sérieuse ; M. J. Payne Collier est un de ces érudits