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ÉTUDES D’HISTOIRE PRIMITIVE.

qu’elle offre un aplatissement considérable du front, semblable à celui qui existe chez tous les sauvages qui ont adopté la coutume de comprimer cette partie de la tête. Ainsi certains crânes, ceux, par exemple, qu’on a trouvés dans les environs de Baden, en Autriche, ont offert de grandes analogies avec les crânes des races africaines ou nègres, tandis que ceux des bords du Rhin et du Danube ont présenté d’assez grandes ressemblances avec les crânes des caraïbes ou avec ceux des anciens habitans du Chili et du Pérou. Il est vrai d’ajouter que ces déterminations ont, jusqu’à présent, suscité des objections sur lesquelles les paléontologistes ne veulent point passer : les débris humains sont rares ; les gisemens en sont incertains ; bien des circonstances accidentelles ont pu déplacer ces os et créer des causes d’erreur là où même le terrain qui les recélait a paru anté-historique. Ces objections obligent à suspendre le jugement, mais n’obligent pas, comme on faisait naguère, à rejeter péremptoirement toute idée d’une humanité antérieure à l’humanité présente, d’autant plus que les caractères de ces crânes sont bien dignes de remarque : ne pas ressembler aux têtes des Européens d’aujourd’hui est un fait qui ne se laisse pas écarter facilement. Sans doute, ces hommes, quels qu’ils aient été, ont pu précéder l’entrée des Celtes en Europe et appartenir néanmoins à la période historique, puis avoir disparu sans laisser ni souvenirs ni traces. Soit, mais les formes qu’ils présentent ne sont pas isolées ; elles ont des analogies avec les crânes nègres ou caraïbes. C’est un témoignage qu’à l’époque où ces hommes ont vécu, les formes dont il s’agit occupaient non-seulement l’Afrique ou l’Amérique, mais aussi l’Europe ; elles se répandaient sur une bien plus grande étendue qu’elles ne font maintenant. Or cette occupation de grandes étendues par des organisations très voisines les unes des autres et très peu variées est un signe paléontologique, et ici il vient en aide pour suppléer, jusqu’à un certain point, à ce qui peut manquer en précision aux autres déterminations des débris humains.

Des incertitudes de même nature s’attachent à la trouvaille de M. Spring, professeur à la faculté de médecine de Liège. Une grotte à ossemens, située dans la montagne de Chauvaux, province de Namur, à trente ou quarante mètres au-dessus du lit de la Meuse, recélait de nombreux débris humains annonçant une race différente de la nôtre. Voici la description que donne M. Spring d’un de ces crânes : ce crâne était très petit d’une manière absolue et relativement au développement de la mâchoire ; le front était fuyant, les temporaux aplatis, les narines larges, les arcades alvéolaires très prononcées, les dents dirigées obliquement ; l’angle facial ne pouvait guère excéder soixante-dix centimètres. À en juger d’après le volume des fémurs et des tibias, la taille de cette race a dû être très