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quelques factoreries dans l’Hindostan et sur la presqu’île de Malacca, tandis que l’Angleterre occupait plusieurs points de Sumatra et diverses îles situées au sud de Singapore. Les deux nations se trouvaient ainsi en contact, et il était aisé de prévoir un prochain conflit qui eût mis en péril les colonies néerlandaises et ouvert à l’ambition de la Grande-Bretagne les archipels de la Malaisie. Le traité du 17 mars 1824 a réglé cette difficulté en stipulant des échanges de territoires et en délimitant les points en-deçà desquels chacun des deux pays devait poursuivre l’œuvre de la colonisation. Peut-être la prise de possession de Labuan et le protectorat établi sur une partie de la côte de Bornéo devraient-ils être considérés comme une violation des engagemens signés par l’Angleterre en 1824; ces tentatives d’agrandissement vers le sud ont provoqué les plaintes du cabinet de La Haye ; mais en définitive les colonies asiatiques de la Hollande forment un empire compacte, fertile, habité par une nombreuse population et destiné à un brillant avenir.

A l’est des possessions néerlandaises s’étendent les colonies espagnoles. L’archipel des Philippines couvre un espace de trois cents lieues du nord au sud et de cent quatre-vingts lieues de l’est à l’ouest. Il comprend de nombreuses îles, dont la plus grande, Luçon, est entièrement soumise. Mindanao, Mindoro, Gebu, etc., ne sont encore occupées que sur quelques points de la côte. De ses domaines coloniaux, autrefois si vastes dans l’Inde, l’Espagne n’a conservé que les Mariannes et les Philippines, dont elle doit la découverte au génie de Magellan (1521). Il y a plus de trois siècles qu’elle s’est établie à Luçon et que Manille, capitale de l’archipel, a été fondée. La colonie a eu ses jours de grandeur et de prospérité presque inouïes. Pendant que le catholicisme, introduit par des bataillons de moines, se propageait rapidement dans l’île et soumettait à l’autorité temporelle toute la population indigène, le commerce et la marine exploitaient avec succès l’admirable situation du port de Manille, devenu l’entrepôt des marchandises de l’Inde et de la Chine échangées contre les piastres qu’apportaient de la Nouvelle-Espagne les fameux galions d’Acapulco. Ce fut seulement vers la fin du XVIIIe siècle que l’Espagne songea à tirer parti des richesses naturelles du sol de Luçon ; mais l’insurrection des colonies d’Amérique, ainsi que les guerres et les révolutions qui désolèrent la métropole, arrêtèrent longtemps tout progrès. Tandis que l’Angleterre et la Hollande agrandissaient chaque année le champ de leur activité sur les territoires de l’Inde, la colonisation espagnole demeurait stationnaire. Aujourd’hui encore sa marche est bien lente. Quoi qu’il en soit, la nation qui possède les Philippines est appelée à jouer un rôle important dans l’histoire politique et commerciale de l’extrême Asie.

Le Portugal, tout déchu qu’il est de son ancienne splendeur coloniale, conserve Goa dans l’Inde, Macao en Chine, l’île de Timor dans la Malaisie. Quand on se reporte aux temps d’Almeida et d’Albuquerque, aux expéditions glorieuses du pavillon portugais dans les divers parages de la mer des Indes et jusque dans les eaux du Japon, on ne peut se défendre d’un certain intérêt en voyant les débris d’une si grande fortune. Enclavé dans les possessions anglaises, Goa est aujourd’hui un anachronisme ; c’est un monument du passé, une église en ruines. Macao, situé sur la côte de Chine, peut reprendre quelque importance à la faveur des événemens qui s’accomplissent