Les partisans de Santa-Anna, qui s’agitent depuis longtemps pour préparer le retour de leur chef, ont senti que le moment était venu de tenter un effort suprême. Le clergé, qui a singulièrement souffert de la dernière révolution, s’est remué à son tour. M. Comonfort était un dictateur si peu expérimenté, qu’il n’a point vu que cette force militaire dont il venait de se servir pouvait elle-même d’un jour à l’autre se tourner contre lui. Le général Zuloaga a été un joueur plus habile à cette loterie des révolutions. Après avoir aidé le président à faire son coup d’état, il a essayé d’évincer M. Comonfort lui-même ; il a fait son pronunciamiento contre le dictateur qu’il venait de créer, et la guerre civile a éclaté à Mexico. C’est là le second acte du drame nouveau commencé à Tacubaya.
La lutte aurait été rude, si l’on en jugeait par sa durée et d’après les apparences ;
on s’est battu pendant plus de dix jours à Mexico. Il est vrai que
les armistices et les négociations ont joué un grand rôle dans ce conflit et
ont pris plus de temps que le combat lui-même. Malgré toutes leurs conférences
pour arriver au rétablissement de la paix, les deux partis ennemis
n’ont pu parvenir à s’entendre, les conditions faites au président étant trop
dures et équivalant à une abdication. Ce qui semble assez singulier, c’est
que le principal chef des prononcés, le général Zuloaga, pris un moment par
M. Comonfort, a été bientôt relâché, et a pu poursuivre plus que jamais les
hostilités. Le résultat a été que M. Comonfort, à peu près abandonné par les
partisans qui lui restaient, s’est hâté de se mettre en lieu sûr et s’est dirigé
vers les États-Unis, tandis que le général Zuloaga demeurait maître de la
place. Le vainqueur s’est naturellement institué aussitôt président provisoire ;
il a nommé ses ministres, publié des proclamations, rétabli les juridictions
ecclésiastique et militaire, abrogé les lois relatives au clergé et aux
biens de l’église. Ces mesures indiquent suffisamment que le général Zuloaga
agit d’accord avec le parti conservateur, et dans ce cas la révolution de
Mexico semble un premier pas vers une restauration nouvelle de Santa-Anna.
Seulement Zuloaga, après avoir vaincu pour son compte, consentirat-il
à céder le pouvoir ? Ce n’est pas tout d’ailleurs. Tous les états du Mexique
sont en complète dissolution, et c’est à qui créera un gouvernement. Toutes
les troupes ne sont pas soumises au pouvoir nouveau. Un autre chef militaire,
le général Parrodi, s’est prononcé contre le mouvement de Mexico. Enfin
un dernier personnage, M. Juarez, en sa qualité de président de la cour suprême
de justice, revendique le pouvoir exécutif, qui lui appartiendrait d’après
la constitution, s’il y avait une constitution, en cas d’empêchement du
président légal ; M. Juarez a convoqué un congrès à Guanajuato, de sorte
que, tout compte fait, il y a trois ou quatre pouvoirs au Mexique, ou plutôt
il n’y a de pouvoir d’aucune espèce. Que sortira-t-il de ce chaos ? On ne peut
le dire assurément. Santa-Anna a pourtant des chances de remonter au sommet
d’où il est si souvent tombé ; quant au Mexique, il n’a plus que des
haltes dans la décomposition. ch. de mazade.