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et dans ses formes. Ce n’est pas tout à fait pour rien qu’on qualifiait les universités de républiques; Salamanque prenait ce titre dans ses statuts, et de fait elle était une petite république. Voyons donc le gouvernement de ces universités. Il y avait deux dignitaires principaux : le chancelier et le recteur. La première de ces dignités était le plus souvent attachée à quelque haute charge ecclésiastique, quoique ce ne fût pas une règle partout, et lorsqu’elle était inhérente au siège épiscopal, l’évêque d’habitude choisissait un délégué. Le chancelier était le fonctionnaire supérieur et perpétuel; il représentait le pape et le roi. Il exerçait la juridiction civile et criminelle dans la sphère de l’université. Le recteur avait la direction spéciale des études. Au fond, il possédait un grand pouvoir, quoique d’un ordre en apparence plus modeste, puisqu’il avait le gouvernement intérieur des écoles. Il n’était nommé que pour peu d’années; à Barcelone seulement, il était perpétuel comme le chancelier. Il y a de plus à remarquer que le plus souvent il était élu, véritablement élu, par un scrutin où les étudians eux-mêmes étaient appelés. En certaines universités, pour être recteur, il fallait être chanoine ou docteur; en d’autres, il suffisait d’être simple bachelier. Il y avait un troisième personnage qui s’appelait le conservateur. C’était quelque homme de grande naissance ou de grande influence, vivant à la cour, et chargé de défendre au besoin l’université. Enfin tout ceci se complétait par un conseil ou chapitre généralement composé de tous les gradués du titre de docteur. C’était une sorte d’assemblée représentative assistant le recteur dans l’administration économique de l’université. Cette assemblée du reste déléguait d’habitude ses pouvoirs à une junte moins nombreuse où l’on admettait encore des étudians.

Un des faits les plus curieux de cette organisation, on le voit, est l’intervention des étudians dans le gouvernement des universités. Les étudians contribuaient à la nomination du recteur; ils participaient bien plus encore à la nomination des professeurs, qui étaient électifs et temporaires, et même on voit des cortès, — celles de Valladolid en 1528, — se plaindre d’une certaine tendance à rendre le professorat perpétuel. Des étudians élisant ceux qui doivent les diriger et les instruire, cela semblerait aujourd’hui fort démocratique et singulièrement anormal. Ce principe de l’élection étonnait moins au moyen âge, et était assez appliqué dans beaucoup d’universités. Cela peut s’expliquer par bien des considérations, et surtout peut-être par une cause particulière au temps : c’est que les universités d’autrefois étaient des académies autant que des écoles. Les études commençaient plus tard, et se prolongeaient plus longtemps qu’aujourd’hui. Il n’était pas rare de rencontrer des hommes qui avaient dépassé l’adolescence dans ces universités, d’où l’on ne sortait souvent que pour aller occuper les premiers postes de l’église et de l’état. Cela n’excluait pas la turbulence, mais il y avait aussi la part de la maturité. J’ai dit que les universités espagnoles, outre cette liberté et cette indépendance, avaient reçu de la couronne de nombreux privilèges. D’abord le grade de docteur conférait la noblesse; mais en outre les étudians ne pouvaient être pris ni détenus. Leurs biens ne pouvaient être vendus quand ils en avaient. Les maisons où habitaient des docteurs, des maîtres ou des écoliers, étaient fermées à toute perquisition de justice.