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aurait dû surtout ne pas provoquer le retour des Espagnols par des agressions alors aussi impuissantes que dangereuses. Il ne fit rien de tout cela. Il avait autant de courage, mais il avait encore moins de tête que ses deux frères Lautrec et Lescun, aux mains desquels la faveur de Catherine de Foix, comtesse de Châteaubriant et maîtresse de François Ier, avait fait remettre les plus grands commandemens militaires, et il commit en Espagne les fautes ruineuses que Lescun et Lautrec allaient bientôt commettre en Italie. Au lieu de garder sous le drapeau toutes ses troupes, qui étaient à peine suffisantes pour défendre le pays qu’il venait d’occuper, il en licencia une partie[1] ; puis, avec une témérité fort inopportune, il sortit de la Navarre, passa l’Èbre, entra dans la Rioja aux cris de vive le roi et la fleur de lis de France ! vive la comunidad de Castille[2] ! et il attaqua la ville de Logrono. Les cavalleros espagnols, dont il envahissait le pays et dont il combattait maladroitement la cause en se déclarant d’une manière si tardive et si peu utile pour les comuneros vaincus, marchèrent contre lui. Les régens de Castille, au lieu de se rendre devant Tolède, où l’insurrection tenait encore, retournèrent vers Burgos avec leurs troupes, que grossirent les levées faites en Aragon et les contingens mêmes des villes récemment soumises de Valladolid et de Ségovie[3].

Une armée de douze mille hommes de pied et de deux mille chevaux arriva sur l’Èbre, et fit lever le siège de Logroño à Lesparre, qui se retira précipitamment en Navarre. Le duc de Najera, qui commandait les Espagnols, auxquels vinrent se joindre les troupes du Guipuscoa, de la Biscaye et de l’Alava, l’y poursuivit, l’y attaqua et l’y battit. Lesparre s’était posté au débouché de la petite sierra del Perdon, qui sépare Artajona et Puente de la Reyna de Pampelune. En gardant le passage de la montagne, il espérait interdire l’accès de la Navarre aux Espagnols ou les combattre avantageusement, s’ils voulaient le forcer; mais le duc de Najera franchit la sierra sur un autre point, tourna la position qu’occupait Lesparre, et se plaça entre le camp des Français et la ville de Pampelune. Obligé de combattre en plaine pour se frayer lui-même un passage à travers l’armée espagnole, bien plus forte que la sienne, Lesparre essuya une entière défaite. Blessé et fait prisonnier le 30 juin 1521 à la bataille d’Ezquiros[4], où la plus grande partie de ce qui lui restait de troupes fut tuée ou prise, il perdit la Navarre aussi rapi-

  1. Du Bellay, p. 288.
  2. « Viva et rey, e la flor de lis de Francia. y la comunidad de Caslilla! » Sandoval. lib. X, § V, et Sayas, p. 228.
  3. Sayas, p. 227, et Sandoval, lib. X, § VI.
  4. Sandoval, lib. X, § VII, et Sayas, p. 229 à 234. — Du Bellay, p. 288.