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LE
MARÉCHAL MARMONT
ET
SES MÉMOIRES



Les Mémoires du maréchal Marmont ont fait un grand scandale, et ont été jugés assez généralement avec beaucoup de sévérité. Dans un certain sens, cette sévérité n’est que justice. Le maréchal, en les écrivant, semble avoir voulu s’affranchir de toutes les convenances. Il ne s’y borne pas à exprimer sur les événemens, sur les hommes publics, des appréciations d’une extrême rigueur; la vie privée, le caractère personnel des individus ne lui sont pas plus sacrés que leur vie et leur caractère publics, et on le voit trop souvent, sans aucune utilité pour l’histoire, je dirai même sans grand profit pour l’amusement de ses lecteurs, lancer en passant des épigrammes, raconter des anecdotes propres à contrister, à désoler, à humilier, sinon ceux dont il a fait ainsi ses victimes, et qui n’existent plus, au moins leurs parens et leurs amis survivans. Dans ces coupables immolations, les femmes ne sont pas plus respectées que les hommes, pas même celles qui, à des titres divers, auraient eu le plus de droit à ses ménagemens. Et ce qui rend de tels procédés plus odieux encore, c’est que le maréchal n’a pas, comme les auteurs de tant d’autres mémoires moins personnellement injurieux, pris ses mesures pour empêcher que les siens ne fussent publiés du vivant des personnes dont ils devaient blesser les sentimens. La réprobation soulevée par une semblable façon d’agir était naturelle