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certaine mesure. Supposons donc la mer actuelle remplacée par une égale étendue d’eau douce, dans un état absolu d’immobilité, uniforme en température comme en densité des pôles à l’équateur, puis restituons-lui successivement les causes de mouvement dont on vient de faire abstraction, — causes dont la plus puissante est la chaleur, — par les phénomènes qu’elle comporte — d’évaporation, de précipitation et de changemens de densité. Ainsi admettons d’abord que sur cet océan hypothétique les vents commencent à souffler tels que nous les avons représentés : leur action immédiate et en quelque sorte mécanique aura sans doute pour effet d’y déterminer une certaine agitation dans la couche supérieure, peut-être même des courans ; mais ces courans, faibles et purement superficiels, laisseront en repos la presque totalité de la masse liquide. Introduisons ensuite en scène un agent plus puissant, le soleil, et rétablissons de l’équateur aux pôles les diverses températures que l’observation nous y montre échelonnées : nous aurons encore une action immédiate produite sur l’Océan par la supériorité de dilatation des eaux de l’équateur, comparées à celles des pôles, et par suite un changement dans les pesanteurs spécifiques, qui engendrera un commencement de circulation plus complète, en entraînant l’eau la plus dense vers l’eau la moins dense, et réciproquement. Quels effets, quelles conséquences aura maintenant l’action combinée de ces deux agens ? On se souvient que nous avons divisé les vents en deux classes, les uns soufflant des pôles vers l’équateur dans des parages où l’évaporation surpasse la précipitation, les autres dirigés au contraire de l’équateur vers les pôles et précipitant plus d’eau qu’ils n’en évaporent. De là résultera pour l’Océan une véritable dénivellation, car l’eau enlevée aux zones torrides abaissera le niveau de ces zones pour venir élever celui des régions plus voisines des pôles sur lesquelles les vents la précipiteront, et de cette perturbation d’équilibre devront naître de nouveaux courans destinés à ramener à l’équateur l’eau en excès aux pôles.

Pour nous replacer dans les conditions réelles du problème, il nous reste à tenir compte de la véritable composition de l’eau de mer, et à voir comment seront influencés par l’élément salin les courans dont les lois de la physique viennent de nous montrer l’existence. Ni l’évaporation, ni la précipitation ne seront affectées directement par le nouvel état de choses, mais les circonstances dans lesquelles cette double opération aura lieu différeront en ce que la vapeur enlevée aux régions équatoriales sera exclusivement douce, et en ce que l’eau de ces parages sera, pour ce motif, plus salée et plus dense. Lorsqu’ensuite cette vapeur retombera en pluie dans les régions polaires, elle produira un phénomène inverse et y déterminera une pesanteur spécifique relativement moindre. Ce n’est pas tout :