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plus ancienne, fondée et dirigée par M. L’abbé Bourgade, aumônier de la chapelle Saint-Louis à Carthage, mérite d’attirer plus particulièrement l’attention. Elle réunit environ soixante élèves tunisiens, français, italiens, Israélites, qui apprennent l’italien, le français, l’arabe, le latin, la géographie, l’histoire, etc. En dehors de cet enseignement chrétien, dont l’évêque catholique a la direction supérieure, le gouvernement de Tunis a institué une école polytechnique dont les professeurs sont français. L’art de la guerre, quand on y joint l’étude des sciences exactes, fait partie de la civilisation. C’est à la gloire de ses armes que la France a dû l’ascendant qu’elle a conquis en Orient depuis des siècles. Après l’avoir redoutée, les peuples turbulens que l’islamisme poussait vers l’Europe l’ont respectée, puis admirée. Ils lui ont demandé de les instruire dans cet art terrible de la guerre dont elle a l’instinct et comme le secret; en récompense de ses services, ils lui ont permis d’apporter parmi eux les institutions de charité et de bienfaisance qui sont le plus intimement liées à l’exercice de la religion chrétienne. Sans doute la conquête de l’Algérie et l’affermissement de notre puissance dans cette partie de l’Afrique ont contribué beaucoup à augmenter la considération dont la France jouit aujourd’hui dans la régence de Tunis; mais il faut reconnaître aussi qu’il y a chez les musulmans, Maures et Arabes, un sentiment très vif de la justice. Lorsque le bien se révèle à leurs yeux, ils s’inclinent sans s’humilier et cèdent à la seule force de la vérité. C’est donc à Tunis que l’on peut étudier mieux qu’en aucun autre pays mahométan les effets de l’influence européenne, librement acceptée par un peuple africain qui a gardé son indépendance. Aucune réforme violente n’a été introduite par les beys; seulement les souverains ont retranché de la législation et des coutumes ce qu’elles avaient d’excessif et de barbare, et ils se sont sentis plus forts, plus contens d’eux-mêmes, lorsqu’ils ont entendu l’Europe applaudir à leurs tentatives. Ils sont flattés aussi de voir les étrangers, attirés par la beauté du climat, se diriger volontiers vers leurs états, certains d’y vivre en parfaite sécurité. La reine des cités mauresques, comme les Tunisiens appellent leur capitale, exerce sur les voyageurs une véritable attraction. Parmi les Orientaux, ceux-ci l’ont nommée la glorieuse, ceux-là la bien-gardée, d’autres la verdoyante, et c’est là une précieuse épithète pour une ville du littoral africain. Encadrée entre la mer, des collines toutes vertes et de hautes montagnes, Tunis a la blancheur étincelante des cités d’Orient. Autour des édifices modernes qui arrêtent les regards, combien de ruines qui parlent à l’esprit! Avant d’entrer dans la Goulette, dont le fort a été bâti par Charles-Quint, on a entrevu déjà les ruines de Carthage et la chapelle qui s’élève aux lieux où mourut saint Louis. Les guerres puniques et les croisades, ces longues et sanglantes luttes de l’Occident contre l’Orient, ont laissé sur cette côte des souvenirs indélébiles. Il devait y avoir toujours au fond de cette baie une cité maritime et militaire que la paix et la guerre mettraient en continuels rapports avec l’Europe. Désormais c’est la paix qui règne, et Tunis, rendue florissante par son commerce, voit affluer sur ses places et dans ses bazars les marins de toutes les nations coudoyant les indigènes qui ramènent leurs caravanes du fond de l’Afrique. Comme dans les autres villes du Levant, vous trouverez à Tunis la ville franque, propre et bien bâtie; mais là aussi apparaît la ville mauresque aux