Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/532

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rangés sur la même ligne avec le symbole commun du commandement, désignent les huit dépositaires de l’autorité. Chacun d’eux se distingue des autres par son écusson particulier. La reprise du voyage est marquée par quatre personnes qui s’avancent vers le midi en marchant l’une à la suite de l’autre. La première porte, en guise de drapeau, l’effigie d’un poisson, ce qui est l’emblème de l’ancien aliment de ce peuple et probablement aussi une espèce d’idole. Les trois autres élèvent au-dessus de leurs têtes les insignes du culte et de l’autorité. Un nouveau groupe d’images indique la seconde halte. La fécondité de ce nouveau séjour est désignée par des troncs d’arbres si gros, qu’un homme ne peut en embrasser le contour avec ses deux bras étendus. De gros fruits surchargent des branches ployées et tombent sur le sol, où les nouveau-venus les ramassent, en se les montrant avec des gestes de satisfaction et en les portant à leur bouche. Les figures qui suivent sont confuses, éparses, difficiles à interpréter. Je croirais volontiers que l’historien illettré a voulu signifier par ce désordre quelque circuit des tribus égarées au milieu des déserts, ou bien quelque insurrection contre les chefs, qui semblent en effet dépouillés de leurs écussons et précipités de leurs sièges. Après cette perturbation, la caravane poursuit sa route. Ce sont encore les quatre mêmes personnes qui rouvrent la marche en portant les mêmes bannières. À une petite distance, on s’arrête pour immoler trois hommes : ces victimes ont les pieds nus et se font par là distinguer des émigrans, qui portent tous de grosses chaussures ; elles sont étendues sur trois bûchers séparés, et le sacrificateur leur arrache le cœur, atroce barbarie qui devait se perpétuer longtemps chez ces peuples sauvages. L’emblème du culte est placé au-dessus du victimaire et tourné vers le ciel, comme pour témoigner que ces sacrifices sont offerts aux divinités des régions supérieures.

Après cette troisième station, la carte itinéraire en indique distinctement vingt-deux autres, dont les noms sont conservés par des signes symboliques qui se traduisent aisément, dans les dialectes des Indiens, par des mots correspondans. Un de ces noms rappelle les fruits qui nourrirent leurs pères, un autre les sauterelles qui les incommodèrent, un troisième les bêtes féroces qu’il leur fallut combattre. Chacun des autres symboles représente aussi l’événement le plus mémorable de la station qu’il désigne. La durée du temps qu’ils passèrent dans chaque asile est marquée avec la même précision par les signes de leur chronologie. Les traditions qui expliquent ce document nous apprennent que la colonie se mit en marche l’an 1038 de notre ère, et qu’après une pérégrination de cent quatre-vingt-six ans, elle arriva l’an 1224 dans la vallée du Mississipi, laquelle avait été précédemment habitée par d’autres races.

Ce monument géographique désigne comme point de départ un promontoire séparé du nouveau continent par un bras de mer. Cette pointe de terre est appelée dans les dialectes indiens Aztlan, terre de glace. Ce doit être la presqu’île qui termine l’Asie au nord-est. On en trouve une preuve dans la facilité même de cette traversée. Deux voies sont également praticables pour des tribus dénuées des ressources de notre navigation. L’une, c’est le détroit de Behring, qui n’a que quelques kilomètres de largeur ; l’autre, c’est