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d’abord des lignes qui partaient des yeux de chacun d’eux et qui allaient toutes se réunir sur l’œil de celui qui occupait le premier rang, marquant ainsi l’unité de leurs vues. Des cœurs étaient peints à l’extérieur sur les animaux qui leur servaient d’emblèmes, et d’autres lignes sortaient de chacun de ces cœurs et allaient se concentrer sur le cœur de la grue, qui était l’écusson du premier d’entre eux. Comme certaines tribus intéressées dans cette démarche n’avaient pas de représentans parmi les députés, on fit un tableau supplémentaire où furent dessinés les totems de ces tribus ; des lignes partant des yeux des animaux qui leur servaient d’écussons, et se dirigeant sur la carte des terres demandées, signifiaient que ces peuples en sollicitaient aussi la restitution. Enfin sur un tableau spécial était représenté le président du congrès qui leur donnait audience. Il était peint debout, dans son palais, et revêtu de son costume solennel. De sa main gauche, il tenait une chaîne qui figurait le lien fédéral des États-Unis. Il étendait sa main droite en signe d’amitié vers le chef de la députation. Celui-ci était figuré par son totem, c’est-à-dire par un aigle, ce qui n’empêchait pas qu’il ne tendît également un long bras et une main ouverte pour exprimer son cordial dévouement. En outre, des lignes partant des yeux de chaque député se réunissaient en une seule qui aboutissait à l’œil droit du président, comme pour le supplier de répondre favorablement à leur pétition. Ces groupes de figures étaient distribués sur cinq carrés d’écorce de bouleau. Les dessins avaient été d’abord tracés avec un poinçon et ensuite coloriés de nuances très diverses, et qui avaient aussi leur signification. Cette pétition, ainsi rédigée, excita un vif intérêt dans la ville de Washington. Tous les habitans voulurent voir ces tableaux, et, la curiosité se changeant sans peine en un sentiment de bienveillance, le président ne fit que se conformer au vœu général de ses concitoyens en rendant de grandes étendues de terres à ces tribus ingénieuses et souffrantes.

Indépendamment de la pictographie vulgaire, appelée keketvîn, les Indiens possèdent une pictographie secrète, qui n’est comprise qu’à l’aide d’uae initiation et qu’ils nomment kekeonowin. Elle est le privilège de la confrérie des medas ou médecins, de la société secrète du Wabeno, et des jeesukas ou devins. Déjà en 1820 M. Schoolcraft était entré assez avant dans l’interprétation de cette pictographie, grâce à l’amitié d’un meda. Il eut un jour entre ses mains une pièce de bois carrée qui avait à peu près 30 centimètres de long sur 5 ou 6 de large, couverte sur les quatre faces de figures peintes en rouge avec une remarquable netteté et rangées sur des lignes parallèles. Les caractères de la première face exprimaient les préceptes généraux de l’art de guérir, ainsi que les noms et les symptômes des principales maladies. Sur la seconde face étaient indiqués les médicamens, qui consistaient presque tous en plantes et en écorces d’arbres. Les deux autres côtés contenaient des chants magiques, auxquels on attribuait une vertu curative. Il était difficile de réunir les signes de plus d’idées sur une simple tringle de bois. La cadence fort simple, mais rhythmique, des incantations indiquées était marquée par des signes analogues à ceux de notre notation musicale.

Dans la confrérie des medas ne sont pas compris certains empiriques qui