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tante qu’elle était commune à tous les navires se rendant dans l’hémisphère austral, que leur destination définitive fût le Pacifique, la mer des Indes ou l’Atlantique. De quarante et un jours, cette traversée avait été du premier coup ramenée à vingt-quatre ; elle fut ensuite faite en vingt jours, puis en dix-huit, et certains capitaines croient même pouvoir la faire en quinze ; mais, en nous bornant à la moyenne infiniment plus modeste de trente et un jours[1], ce n’en est pas moins un gain de temps de 25 pour 100. D’autres résultats non moins brillans vinrent rapidement s’ajouter au premier. Ainsi la traversée des États-Unis en Californie exigeait en moyenne plus de cent quatre-vingts jours ; à partir du moment où Maury en fit l’objet de ses études, cette moyenne annuelle fut ramenée d’abord à cent trente-cinq jours ; puis ce résultat lui-même se perfectionna à son tour, si bien qu’aujourd’hui nombre de clippers sont arrivés à un chiffre de cent jours, et même l’un d’eux, le Flying-Fish, venant de New-York, a mouillé le quatre-vingt-douzième jour sur rade de San Francisco. Il serait aisé de multiplier ces exemples, dont nous nous bornerons à citer le plus remarquable, la traversée d’Australie. D’Angleterre à Sydney, un navire, guidé par les anciennes instructions de navigation, ne mettait naguère encore pas moins de cent vingt-cinq jours. C’était la moyenne ordinaire de l’année. Le retour était d’une durée à peu près égale, de sorte que le voyage total était d’environ deux cent cinquante jours. Lorsque Maury passa en Angleterre lors du congrès de Bruxelles, il promit aux marins et aux négocians anglais, pour prix de leur concours à son entreprise, de diminuer d’au moins un mois la traversée d’Australie, et d’apporter une réduction encore plus considérable à la traversée de retour. C’eût été tout simplement supprimer le quart de la distance qui séparait le royaume-uni de sa riche colonie. Un peu plus tard, ses notions sur cette route s’étant complétées, il signala hautement aux marins l’immense avantage qu’il y avait à faire du voyage d’Australie une véritable circumnavigation du globe, c’est-à-dire à doubler le cap de Bonne-Espérance en venant d’Europe, pour opérer ensuite son retour par le cap Horn. L’ensemble de ces deux traversées, ce tour du monde, disait-il, s’effectuerait en cent trente jours, et même moins, au lieu des deux cent cinquante jours nécessaires auparavant. Effectivement, peu après, sa prédiction accomplie ne tarda pas à montrer des navires se rendant en vingt jours de Port-Philip au méridien du cap Horn, puis, en quarante ou quarante-cinq jours, de là aux États-Unis. Ici le bénéfice en temps était de 50 pour 100, et Maury avait de plus la gloire de l’avoir prévu et prédit.

  1. C’était celle des premiers temps de la nouvelle route, alors que la navigation n’en était pas suffisamment connue ; aujourd’hui ce chiffre est certainement trop fort.