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même sa médiation. Du reste, quelles que fussent alors et que dussent être plus tard les dispositions réelles d’Adrien à l’égard des deux princes rivaux, il ne pouvait rien entreprendre de longtemps, puisqu’il n’arriva à Rome que le septième mois après son élection. François Ier voulut profiter d’une situation aussi favorable. Il n’avait en ce moment contre lui ni le saint-siège ni la république de Florence. Il était toujours l’allié des Vénitiens, dont l’amitié, un peu refroidie par les échecs précédens, s’était ranimée à la mort de Léon X. Il comptait plus que jamais sur les Suisses, car douze des cantons, indignés de ce que les bannières helvétiques eussent été déployées naguère dans les deux camps, avaient impérieusement rappelé leurs soldats enrôlés dans l’armée de la ligue, et n’accordaient plus de levées qu’à la France seule. Ne devant dès lors rencontrer en Lombardie que les troupes de l’empereur, à qui la modicité de ses ressources ne permettait pas d’y en entretenir un grand nombre sur ce point, François Ier se trouvait en position de reconquérir le Milanais, que Lautrec avait perdu. Ses ambassadeurs le lui écrivaient d’Italie. Ils l’engageaient à passer de nouveau les Alpes, comme il l’avait fait au début de son règne, qu’avaient rendu si glorieux la victoire de Marignan et l’entière occupation du duché. « Je vous oserois assurer sur ma vie, sire, lui écrivait Nicolas Raince, que vous avez à présent le moyen de vous faire perpétuellement le seigneur de toute l’Italie[1]. »


III

Au lieu de descendre lui-même en Lombardie, François Ier remit aux mains inhabiles de Lautrec les troupes destinées à recouvrer le duché de Milan. Seize mille Suisses choisis, conduits par leurs chefs les plus vaillans, marchèrent, sous les ordres du bâtard de Savoie, frère de la duchesse d’Angoulême, du grand-écuyer San-Severino et du maréchal Anne de Montmorency, pour se réunir à Lautrec. À leur approche, celui-ci franchit l’Adda le 1er mars, afin d’aller au-devant d’eux avec les forces qui lui restaient. Il devait attaquer ensuite les impériaux, hors d’état, selon toute apparence, de lui résister.

Des deux parts, on possédait des places fortes. Les Français, dans leur défaite, avaient conservé une ligne de forteresses depuis Trezzo sur l’Adda jusqu’à Crémone sur le Pô. Ils occupaient encore la citadelle de Milan et toutes les places qui bordaient les lacs supérieurs

  1. Dépèche de Nicolas Raince à François Ier, écrite de Rome le 9 janvier 1522, mss. Béthune, vol. 8500, fol. 86 et sqq.