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grandes sommes de tous les côtés. Il fit fondre jusqu’aux grilles d’argent que Louis XI avait données à l’abbaye Saint-Martin de Tours et beaucoup d’autres ornemens d’église. L’étendue, les lents préparatifs, la difficile exécution de l’entreprise, ne permettaient pas à François Ier de passer en Italie avant l’été de 1523.

En attendant, des négociations d’une espèce particulière s’engagèrent par l’entremise du nouveau pape. Adrien VI était très religieux, et son affectueuse partialité en faveur de Charles-Quint ne l’empêchait pas de souhaiter le rétablissement de la paix entre les princes occidentaux. Cette paix lui semblait d’autant plus nécessaire que la chrétienté était menacée par les armes victorieuses de Soliman II. Le redoutable musulman venait d’entamer la frontière orientale des pays chrétiens, y avait pris Belgrade, l’un de leurs boulevards, et, y renversant la croix du Christ, avait planté le croissant à quelques lieues de Vienne. Il avait ensuite assiégé Rhodes avec deux cent mille hommes, et il s’étendait dans la Méditerranée comme il s’était avancé en Hongrie, épouvantant l’Europe de tous les côtés. Les esprits étaient émus. On tremblait que Rhodes, ce poste avancé de la république chrétienne dans les mers du Levant, ce dernier reste des anciennes conquêtes des croisés, ne tombât entre les mains de l’irrésistible Soliman, malgré l’héroïsme des chevaliers de Saint-Jean qui le défendaient. La chute d’un pareil boulevard pouvait entraîner la ruine de la valeureuse milice qui gardait la Méditerranée et livrer les côtes de cette mer aux dévastations ottomanes. Le désir universel de la chrétienté était de voir les princes de l’Europe suspendre leurs querelles et s’entendre pour résister en commun à l’ennemi de leur puissance ainsi que de leur religion. Adrien VI éprouvait ce sentiment en chrétien et en pontife. Quelque temps auparavant, Léon X avait établi une trêve générale qui devait durer cinq ans et réunir l’Occident tout entier dans une croisade contre Selim, père de Soliman. La mort de Maximilien, le soulèvement religieux de Luther, la lutte de Charles et de François dans l’élection à l’empire, leur rupture en Italie, à laquelle avaient successivement pris part Léon X lui-même et Henri VIII, avaient empêché l’exécution d’un aussi salutaire projet, qu’Adrien VI renouvela au moment du siège de Rhodes.

François Ier ne refusa point de s’y associer. Il offrit d’être un soldat dévoué du saint-siège et le défenseur le plus zélé de la république chrétienne, si le pape, dont il avait accepté la médiation, reconnaissait ses droits en Italie et les faisait admettre par Charles-Quint. Adrien en avait renvoyé l’examen à l’époque où il serait établi à Rome. Il y était arrivé le 29 août. À peine avait-il été intronisé, que les affaires l’avaient assailli, les intrigues des cardinaux déconcerté,