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italiens pour s’opposer au retour et à l’établissement de François Ier en Lombardie était d’autant plus formidable, qu’elle unissait contre lui des troupes aussi nombreuses qu’aguerries, et assurait les moyens de les garder longtemps sous le drapeau[1].

Elle ne fut cependant pas capable d’intimider François Ier et de l’arrêter dans la poursuite de ses desseins. Il avait dit naguère au parlement de Paris en termes belliqueux et confians : « Toute l’Europe se ligue contre moi ; eh bien ! je ferai face à toute l’Europe. Je ne crains point l’empereur, il n’a pas d’argent ; ni le roi d’Angleterre, ma frontière de Picardie est bien fortifiée ; ni les Flamands, ce sont de mauvaises troupes. Pour l’Italie, c’est mon affaire, et je m’en charge moi-même. J’irai à Milan, je le prendrai, et je ne laisserai rien à mes ennemis de ce qu’ils m’ont enlevé[2]. » Il écrivit alors : « Je ne serai à mon aise que quand je serai passé par-delà avec mon année[3]. »

Il avait adopté sur la frontière du nord, pour la couvrir, le même système de défense que l’année précédente. Il avait ravitaillé et fortifié les places qui pouvaient arrêter l’ennemi sur cette partie du territoire, dont il confia la garde au duc de Vendôme. Il fit partir pour la Guyenne Lautrec, qu’il chargea d’occuper les passages des Pyrénées. Il se réserva le commandement des troupes qui se réunissaient au pied des Alpes, et à la tête desquelles il voulait fondre sur l’Italie. Déjà l’amiral Bonnivet avait passé les monts avec un corps considérable, afin de s’assurer du poste important de Suze. Douze mille Suisses étaient en marche pour le joindre, sous la conduite du maréchal de Montmorency. Les hommes d’armes de France s’acheminaient par compagnies vers Lyon, où François Ier se rendait dans la dernière quinzaine d’août, et d’où il devait descendre en Lombardie avec la plus puissante armée.

Pendant qu’il se disposait à sortir de son royaume, ses ennemis s’apprêtaient à l’envahir. Leur invasion devait être secondée par la révolte du second prince du sang, du dernier grand souverain territorial de la France féodale, du connétable de Bourbon, que François Ier, par des affronts multipliés et les plus imprudentes injustices, avait poussé à cette criminelle extrémité. C’est dans sa route de Paris à Lyon que lui fut révélée la conspiration du connétable, qui n’attendait que son départ pour éclater, et devait lui enlever la France au moment où il conquerrait Milan.


MIGNET.

  1. Guicc, lib. XV. — Pontus Heuterus, lib. XVIII, c. XVIII, fol. 207. — Jovius, Vita Hadriani VI, c. XVI.
  2. Registres du Parlement.
  3. François Ier à Montmorency, 23 août 1523, mss. Béthune, vol. 8569.