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jours caniculaires, il n’est plus frappé que par l’insuffisance des preuves et par les objections qui se présentent. Avec son œil de myope et son habitude de tout creuser, il découvre, pour ne voir dans cette soi-disant vérité qu’une affirmation bien présomptueuse et bien mal appuyée, des multitudes de motifs qu’un incrédule ne trouverait pas.


Je me suis arrêté longtemps sur la partie scientifique de la Pseudodoxia : aussi m’en tiendrai-je à quelques mots sur les derniers livres de l’ouvrage. Dans le cinquième, l’auteur relève les idées fausses qui ont été propagées par les images des peintres, et en général par les symboles. Dans le sixième, qui a rendu, je crois, de grands services, il traite des longitudes et des latitudes, de la valeur toute relative des positions que nous nommons l’orient et l’occident, de l’existence simultanée de toutes les saisons à prendre le globe dans son ensemble, en un mot de la cosmographie et la géographie, y compris plus d’une excursion conjecturale par-delà le déluge. Pour le dernier livre, il y est question des erreurs populaires et des traditions mensongères qui se rapportent à l’histoire et à la Bible. Dans toute cette dernière partie, l’érudition de Browne est en pleine débauche ; mais c’est de l’érudition avec du génie et un vif sentiment poétique pour la mettre en mouvement. À propos des images, il sent et fait sentir on ne peut mieux l’immense rôle que l’interprétation littérale des emblèmes a joué dans la multiplication des erreurs, et à chaque page son honnêteté et sa passion pour l’exactitude se révèlent avec un don-quichottisme aussi noble qu’amusant. Il n’est pas de ceux qui aiment seulement la vérité quand ils croient qu’elle peut servir à quelque chose ; il l’aime pour elle-même, sans intérêt et sans calcul. Il poursuit le faux jusque dans les enseignes qui représentent le pélican avec un plumage vert ou jaune et de la taille d’une poule, alors qu’il est blanc et gros comme un cygne. Il ne peut pas accepter les estampes où saint Jean-Baptiste est vêtu d’une peau de chameau, ce qui ne s’accorde point avec une stricte interprétation des textes. Il ne peut pas surtout laisser passer le nombril que les peintres donnent à Adam et Eve, car, remarque-t il, cela est inadmissible, à moins d’attribuer au Créateur une aberration dont la nature nous semble incapable, celle d’aimer les superfluités. Le seul nombril ; la seule partie conjonctive qu’on puisse supposer chez Adam, c’était son rapport de dépendance envers son Créateur.

Et il ne se borne pas à relever « ces erreurs grossières qui sont de nature à provoquer la contradiction d’un ami ordinaire de la vérité. » Il est choqué que les tableaux et les gravures se permettent