La brise fait trembler sur les eaux diaphanes
Les reflets ondoyans des palais radieux ;
Le pigeon bleu se pose au balcon des sultanes ;
L’air embaumé s’emplit de mille bruits joyeux ;
Des groupes nonchalans errent sous les platanes ;
Tout rit sur le Bosphore, et seuls les elkovans[1]
Avec des cris plaintifs rasent les flots mouvans.
O pâles elkovans ! troupe agile et sonore
Qui montes et descends sans trêve le courant !
Hôtes doux et plaintifs des ondes du Bosphore,
Qui ne vous reposez comme nous qu’en mourant !
Pourquoi voler ainsi sans cesse dès l’aurore,
Et d’Asie en Europe, et de l’aube au couchant,
Jeter sans fin ce cri monotone et touchant ?
Le peuple de ces bords vous vénère et vous aime ;
Le pêcheur vous salue en jetant ses filets ;
Les enfans du rivage et le chasseur lui-même
Ne déciment jamais vos rangs toujours complets.
Et quand le soleil tombe à l’horizon extrême,
L’odalisque, entr’ouvrant la vitre des yalis[2],
Vous suit d’un long regard à travers le treillis.