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été d’une haute importance, parce qu’elles ont fourni aux savans qui les dirigeaient l’occasion d’amener les méthodes géodésiques à leur perfection actuelle. M. de Humboldt ne peut donner trop d’éloges au magnifique travail de Bessel, qui a comparé les résultats de onze mesures de degré et relevé les erreurs dont quelques-unes étaient entachées.

L’étendue des travaux géodésiques accomplis en France et en Angleterre a été encore dépassée par ceux qu’on a exécutés dans l’Inde, en Russie et en Amérique. L’arc indien, qui aujourd’hui comprend environ vingt et un degrés, a été mesuré par Lambton et Everest, dont le nom vient d’être donné récemment au sommet le plus élevé de la chaîne de l’Himalaya. L’arc russe part de Hammerfest, sur la Mer-Glaciale, traverse la Suède, la Norvège, touche le golfe de Bothnie, coupe la Finlande, et s’étend à travers la Lithuanie, la Podolie, la Wolhynie et la Bessarabie, jusqu’à l’embouchure du Danube. Ce grand travail, accompli sous la direction de Tenner et de Struve, comprend vingt-cinq degrés. Il était impossible de trouver un meilleur théâtre que les immenses plaines de la Russie pour suivre les méridiens terrestres sur une grande longueur. Les plateaux de l’Asie centrale sont hors du domaine de notre civilisation : les steppes glacés de la Sibérie, les pampas inhabitées de l’Amérique du Sud présentent trop d’obstacles aux longs et patiens travaux de la géodésie. L’Amérique du Nord seule offre un champ comparable à celui de la Russie. Le relèvement hydrographique des côtes, qui s’exécute sous la direction habile de M. Bzche, a pour base une triangulation qui s’étend depuis la Floride jusqu’au Labrador, et dont il faut espérer de voir un jour le réseau se prolonger dans l’intérieur du continent.

Le pendule, qui oscille sous l’influence de la pesanteur, fournit une autre méthode pour mesurer la terre. M. de Humboldt rapporte les premières expériences des Arabes, celles de Galilée, des astronomes de Bologne et de Padoue, et des académiciens Richer et Picard. Aujourd’hui même, après la longue expédition scientifique du colonel Sabine sur les côtes d’Afrique et d’Amérique, il n’y a pas plus de soixante à soixante-dix points, irrégulièrement disséminés entre le 51e parallèle austral et le 79e parallèle boréal, où la longueur du pendule qui bat la seconde soit connue avec une parfaite précision. La comparaison des résultats donnés par le pendule et par les mesures géodésiques directes, faite avec beaucoup de soin en France par Biot et Arago, donne lieu à des anomalies très extraordinaires. Suivant M. de Humboldt, le pendule, qu’il appelle avec bonheur une sonde jetée dans les couches invisibles de la terre, ne trahit que des effets trop locaux et trop superficiels, et ne peut être préféré, pour la mesure exacte de notre planète, aux opérations géodésiques et à la méthode astronomique imaginée par Laplace et fondée sur les inégalités lunaires. En adoptant pour l’aplatissement la valeur qui résulte des travaux de Bessel, on voit que l’enflure de la terre à l’équateur n’atteint pas tout à fait trois fois la hauteur du mont Kintschindjinga, qui a 8,587 mètres d’élévation, et qu’on croyait le plus élevé de tout l’Himalaya, avant d’avoir mesuré le mont Everest.

Après avoir mesuré la terre, si on cherche à la peser, on aborde de nouvelles difficultés. Le globe n’a point la même densité dans toutes les parties, et la loi suivant laquelle les couches augmentent de densité vers le centre nous est tout à fait inconnue. Les expériences faites avec le pendule aux