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à mort, de battre monnaie et de faire le commerce du bois du Brésil, dont les rois de Portugal voulaient garder le monopole. Les donataires devaient conquérir les terres sur les indigènes, les peupler et les coloniser, combattre les flibustiers qui paraîtraient sur les côtes, et payer à la couronne un droit de suzeraineté. Presque tous furent malheureux : les uns perdirent leur fortune, d’autres la vie, dans leurs nouveaux domaines, qu’ils regardaient en quelque sorte comme des royaumes héréditaires. Un très petit nombre put garder les donations de Juan III. La couronne, obligée de reprendre possession de ces domaines en payant une indemnité aux propriétaires, dota le pays d’une administration générale et régulière, en mettant quelques hommes habiles à la tête du gouvernement.

Jusqu’en 1807, le système portugais resta invariablement le même. Quelquefois l’administration du Brésil tout entier était entre les mains d’un vice-roi ; quelquefois il y avait autant de gouverneurs que de capitaineries, et chacun s’entendait directement avec le gouvernement de Lisbonne. Ces gouverneurs et ces vice-rois avaient presque toutes les attributions royales, et la couronne seule contrôlait leur autorité. Ils étaient à la tête de tous les pouvoirs, commandaient l’armée et la marine ; ils avaient le droit de suspendre les jugemens, qui, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, ne se rendaient qu’en première instance, car ce fut seulement vers cette époque qu’un tribunal d’appel fut créé dans la ville de Bahia. À la fin du XVIIIe siècle, un autre tribunal possédant les mêmes attributions fut installé à Rio-Janeiro. Presque toutes les décisions de ces tribunaux devaient être confirmées par la cour supérieure qui siégeait à Lisbonne. Les gouverneurs connaissaient de toutes les affaires contentieuses et administratives ; leur autorité s’étendait sur l’instruction[1], sur les travaux publics, les mines, le commerce, et jusque sur les succursales du tribunal de l’inquisition. Celui-ci du reste était plutôt une justice civile soumise aux rois qu’une justice ecclésiastique soumise à Rome, comme on le croyait généralement à cause du prétexte religieux dont l’inquisition se servait pour accomplir sa mission. Les gouverneurs et le vice-roi avaient aussi le droit d’emprisonnement préventif et de déportation contre tout habitant de la colonie dont ils jugeaient convenable de se défaire.

Pendant toute la période coloniale, on ne permit à la colonie que l’agriculture et l’exploitation des mines d’or et des pierres précieuses, découvertes vers la fin du XVIIe siècle et le commencement du XVIIIe ; on ne permit le commerce qu’avec la métropole, encore avec certaines restrictions au profit des compagnies organisées en

  1. L’instruction publique n’était dans la colonie que du premier et deuxième degré, et presque tout ecclésiastique ; les Brésiliens, pour suivre les études supérieures ou spéciales, étaient obligés d’aller en Portugal.