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Carlos, Antonio José, Basilio de Gama, Santa Ritta Durao, Claudio Manuel[1]). Les Brésiliens ont toujours d’ailleurs excellé dans la poésie. Avant que M. de Lamartine charmât l’Europe par ses élans religieux et ses rêveries chrétiennes, Souza Caldas étonnait les peuples du Portugal et du Brésil par ses odes sacrées, ses mélancoliques et sublimes cantates. Bien avant que Fenimore Cooper fit connaître au monde les usages et les combats des indigènes de l’Amérique, Santa Ritta Durao et Basilio da Gama chantaient dans leurs beaux poèmes les combats des Guaranis et des Tupinambas, leurs mœurs, leurs luttes contre les conquérans européens, et leurs amours au milieu des forêts vierges, à l’ombre des palmiers, sur les bords heureux des rivières et au gazouillement harmonieux des brillans oiseaux des tropiques.

Jusqu’à l’indépendance du Brésil, toute cette gloire était la gloire du Portugal ; la littérature était une, et les génies des deux mondes s’unissaient pour n’en former qu’un seul, le génie de la Lusitanie. Malheureusement cette gloire n’était pas connue de l’Europe, car le Portugal n’occupait qu’une petite place dans le monde, et sa langue ne retentissait pas au-delà de ses frontières.

II. — LE BRÉSIL MÉTROPOLE DE LA MAISON DE BRAGANCE (1808-1821).

En 1807, l’empereur Napoléon Ier envahit le Portugal pour le soumettre à sa domination et fermer ses ports à l’Angleterre. La reine dona Maria Ire, après une longue maladie, étant devenue folle, son fils le prince royal, dom Juan, nommé régent, gouvernait l’état. Il avait vu la déchéance des rois légitimes d’Espagne. Il craignit d’avoir le sort de Charles IV, qui avait été forcé d’abdiquer et vivait prisonnier en France avec toute sa famille. Il jugea prudent d’abandonner ses possessions d’Europe et d’aller s’établir dans sa colonie du Brésil, au-delà de l’Océan, que le vainqueur de Marengo et d’Austerlitz ne pouvait pas franchir.

La reine, le prince régent, toute la cour et un grand nombre de familles portugaises quittèrent Lisbonne, et arrivèrent au Brésil au commencement de l’année 1808. Rio-Janeiro fut choisi pour capitale et siège du gouvernement ; l’ancienne métropole fut abandonnée à l’invasion des Français, et le Brésil devint la nouvelle métropole de la monarchie de la maison de Bragance. Tout fut changé. Il n’y eut plus de colonie, ou, s’il y en eut encore une, ce fut le Portugal européen.

  1. Souza Caldas occupe la première place parmi les lyriques portugais. Santa Ritta Durao a écrit le beau poème Caramuru ; Basilio da Gama s’est illustré par son excellent poème de l’Uruguay, et Sao Carlos par l’Assomption de la Vierge. Antonio José est encore le premier poète comique du Portugal.