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politique, sans repousser les principes démocratiques qu’admettaient ses voisins.

De leur côté, les colonies espagnoles eurent plus de difficultés à vaincre pour conquérir leur indépendance. La guerre chez elles fut terrible. Les Américains sortirent vainqueurs de la lutte ; San-Martin, Ohigins, Bolivar, Iturbide firent triompher l’indépendance ; mais leurs pays furent ravagés, la haine contre les Espagnols s’assouvit dans d’effroyables vengeances ; la proscription des Européens fut une des premières mesures qu’on eut besoin de prendre pour affermir l’émancipation, et toutes ces luttes n’eurent pour résultat que d’établir l’influence du régime militaire. Lorsqu’ensuite les indépendans n’eurent plus d’Européens à combattre, lorsqu’ils les eurent expulsés tous de leurs belles contrées, ils dirigèrent leurs armes les uns contre les autres. Tous voulaient être chefs ; l’ambition s’empara des esprits : personne ne voulut plus obéir. Après les guerres de l’indépendance vinrent les guerres civiles avec le même cortège de barbaries et d’horreurs. Oribe, Rosas, Quiroga et tant d’autres chefs offrent tous la même physionomie sinistre. Les anciennes vice-royautés se divisèrent en autant de petites républiques qu’il en fallait aux vainqueurs et aux ambitieux. Celle de la Colombie se divisa en trois, celle du Pérou en deux, celle de Buenos-Ayres en trois. Le Mexique, Costa-Rica, Guatemala et tant d’autres petits états adoptèrent ce système de division, qui ne produisit que la faiblesse. Après la division, chacun se donnait un gouvernement et une constitution, presque aussitôt renversés. Aujourd’hui encore ces malheureuses contrées, si dignes cependant d’un meilleur sort, se débattent dans les guerres civiles et l’anarchie, qui ont usé toutes leurs forces et toute leur virilité. Il n’en est pas une qui, depuis la conquête de son indépendance jusqu’à ce jour, compte moins de cinq ou six constitutions et d’une douzaine de gouvernemens différens. Leurs mœurs sont devenues militaires et sont de plus en plus impuissantes à créer et à consolider des institutions, à favoriser la marche des progrès que la paix fait naître, et où résident la vie et l’avenir d’un peuple.

Sans doute l’anarchie s’est montrée plusieurs fois au Brésil depuis la proclamation de son indépendance ; mais elle a dû bientôt courber la tête, et aucune révolution n’a pu y triompher, excepté celle de 1831 contre l’empereur dom Pedro Ier, qui, en abdiquant en faveur de son fils, son héritier légitime, a épargné au pays bien des malheurs. Les institutions d’aujourd’hui sont encore celles que le premier empereur a données, et chaque jour elles s’enracinent plus profondément dans le cœur des Brésiliens. Le principe monarchique a sauvé le Brésil, et le principe monarchique, chaque jour