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Argentine, parce qu’une telle prétention serait contraire à la pratique constante de l’Angleterre et aux principes des nations. Le 17 juillet 1847, le même homme d’état assimilait le droit du général Rosas défendant la navigation de l’Amazone au droit de l’Angleterre ne permettant point l’entrée du Saint-Laurent aux bâtimens étrangers. Par le traité du 29 novembre 1849, ratifié le 15 mai 1850, le gouvernement de sa majesté britannique reconnaissait que le droit de navigation sur le Paraná appartenait tout entier à la république argentine, car c’était une rivière intérieure sujette seulement aux lois et règlemens de cette république[1]. La France, dans le traité Leprédour, en 1849, s’exprimait de même, et dans la question de la Gambia, au Sénégal, on a reconnu le droit parfait de l’Angleterre à refuser la navigation de ce fleuve. La Hollande a toujours refusé à l’empereur Joseph II la navigation de l’Escaut. L’Espagne soutenait aussi la même thèse contre les États-Unis quand elle possédait les rives inférieures du Mississipi ; les États-Unis eux-mêmes l’admettaient dans les traités du 9 août 1842 et 19 juin 1846 sur la navigation des rivières Sao-Juan et Colombie.

Mais de nos jours la civilisation et le commerce ont trouvé ces principes trop exclusifs : on leur a fait subir des modifications ; seulement ces modifications ne sont pas aussi larges qu’on paraît vouloir bien le croire, ce sont celles que Grotius avait entrevues. Le congrès de Vienne a établi en 1815, comme un droit conventionnel, la liberté de la navigation sur la Moselle, la Meuse, l’Escaut, le Mein, le Rhin et le Neckar. Les publicistes modernes, surtout les Américains Wheaton, Bello et Kent, ont réduit la question à deux principes qui doivent régir la matière, et ce sont ces principes que le Brésil a toujours soutenus contre le général Rosas et le dictateur du Paraguay relativement aux affluens de la Plata ; ce sont ces mêmes principes qu’il a établis en faveur du Pérou et des autres états voisins qui possèdent les rives supérieures de l’Amazone et de ses affluens. Ils peuvent se formuler ainsi : 1° liberté de navigation ou simple transit pour tous les riverains soumis à des règlemens faits d’un accord commun ; 2° droit des riverains à désigner leurs ports de commerce et à faire leurs règlemens pour l’exercice de ce droit. Le Brésil, en acceptant ces principes, exigeait pour son pavillon la liberté de navigation de la Plata et de ses affluens, car il possédait les rives supérieures de l’Uruguay, du Paraná et du Paraguay ; il envoyait en même temps des diplomates dans la Nouvelle-Grenade, dans la Bolivie, dans la république de l’Equateur, le Venezuela et le Pérou, pour s’accorder sur la navigation de l’Amazone

  1. « Recognise the navigation of the river Paraná to be an inland navigation of the Argentine Confederation, subject solely to its laws and regulations. »