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toujours. Ainsi l’intérêt, le premier intérêt du Brésil à l’égard de ce pays, c’est qu’il soit tranquille. Il ne désire pas intervenir dans ses affaires et dans ses luttes ; s’il le fait, c’est qu’il y est forcé, et cette intervention a jusqu’ici été un bien pour Montevideo.

Depuis que cet état s’est déclaré indépendant de Buenos-Ayres et du Brésil, il n’a presque jamais, on le sait, joui de la paix intérieure. Les luttes d’Oribe et de Fructusso Rivera remplirent les premières années qui suivirent l’indépendance. Le siège de Montevideo est bien connu, et a valu à cette ville dans le pays le surnom de nouvelle Troie. Le Brésil a cherché à s’entendre en 1843 avec le général Rosas, dictateur de la Confédération-Argentine, pour en finir avec cette situation, nuisible sous tous les rapports à l’un et à l’autre pays. On avait même fait à Rio une espèce de traité, que le dictateur de Buenos-Ayres n’a pas ratifié, parce que ses vues étaient bien différentes de celles de l’empire. Il ne voulait pas l’indépendance de l’État-Oriental ; son ambition allait jusqu’à demander la réunion sous son autorité de tous les pays qui formaient, sous le régime colonial, la vice-royauté de Buenos-Ayres. Il voulait réunir à la Confédération-Argentine, dont il était le chef, l’état de Montevideo et celui du Paraguay ; mais l’indépendance de ces deux républiques était nécessaire et profitable au Brésil. C’est alors que le gouvernement impérial chercha, pour les mettre à l’abri de l’ambition du général Rosas, à s’entendre avec la France et l’Angleterre. N’ayant pu cependant parvenir à former une alliance pour une triple intervention, il se mit seul en campagne, et, de concert avec les habitans de la ville assiégée de Montevideo et avec le général Urquiza, qui s’était séparé de Rosas, il fit, en 1851, entrer son armée dans l’État-Oriental pour en chasser celle du général Oribe. On obtint bientôt par la force ce que voulaient le Brésil, Urquiza et le général Garzon, qui représentait la ville de Montevideo. Oribe mit bas les armes et se retira avec son armée ; mais le général Rosas regarda cette intervention comme une déclaration de guerre à la Confédération-Argentine, car c’était lui qui encourageait Oribe dans ses folles prétentions, et lui fournissait les forces dont il avait besoin. Oribe n’était qu’un instrument dont se servait le dictateur de Buenos-Ayres pour accomplir ses desseins. Il fallut soutenir la guerre contre le général Rosas ; les armées alliées foulèrent le sol de Buenos-Ayres, et après la bataille de Monte-Caseros arrivèrent aux portes de la ville. On sait quel fut le dénoûment de la lutte : le général Rosas tomba du pouvoir et se réfugia en Angleterre.

Cette intervention du Brésil a été heureuse pour tous les états de la Plata. Le Paraguay, aussi bien que l’État-Oriental, a été délivré des prétentions ambitieuses du général Rosas, et la Confédération-Argentine,