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Les détails dans lesquels nous venons d’entrer sur les usines fondées par de simples particuliers permettent de concevoir aisément sur quelle échelle sont organisés les établissemens de la couronne. Ceux-ci sont placés sous la direction d’officiers d’artillerie et d’officiers du génie qui sont les premiers métallurgistes du monde. Non-seulement la Russie ne néglige rien pour l’instruction de ses officiers, non-seulement elle les envoie fréquemment en mission dans les pays étrangers, mais des sommes considérables sont consacrées à de continuels essais. Aucun procédé nouveau ne se produit en Europe, aucun perfectionnement n’est apporté aux anciennes méthodes, sans devenir immédiatement l’objet d’expériences dans les usines impériales. On ne saurait entreprendre de mentionner ici tous les établissemens de la couronne : ils sont disséminés dans les gorges de l’Oural, partout où le minerai et le combustible se trouvent réunis en abondance, et où un cours d’eau navigable offre des moyens de transport facile. Lorsque l’accroissement de la population, qui suit déjà une progression rapide, permettra de remplacer par de bonnes routes les sentiers actuels, le nombre de ces établissemens augmentera, et la production y prendra un développement énorme. La Russie pourra entreprendre alors de relier toutes les parties de son empire par des chemins de fer, qu’elle construira plus économiquement qu’aucune autre puissance. Grâce à l’inépuisable minerai de l’Oural, elle triomphera de la nature ; elle acquerra cette rapidité de communication et cette facilité à concentrer les forces nationales qui lui ont manqué jusqu’ici, et dont l’absence l’a seule empêchée de devenir la plus redoutable des puissances européennes. Les établissemens de l’Oural seront un jour l’auxiliaire le plus énergique de l’industrie russe : ils ne sont encore que l’arsenal de la Russie. Kamenskoï fond des canons et des obusiers de toute dimension, il coule aussi des boulets et de la mitraille ; Barantchinsk est exclusivement consacré à la fabrication des bombes. Toutes ces munitions de guerre, après avoir descendu la Tchoussovaia et remonté le Volga, étaient autrefois transbordées sur le Dnieper, et arrivaient ainsi à Nicolaïef et à Sébastopol. Zlataoust, situé sur la rivière Aï, est à la fois le Birmingham et le Sheffield de la Russie. Une vaste digue a coupé le fond de la vallée et l’a changée en un lac de deux à trois lieues de long et d’une demi-lieue de large. Sur les bords du lac s’élèvent divers établissemens qu’une chute d’eau fait marcher : un haut fourneau, une fonderie, une forge, où le minerai passe par toutes les transformations qui en font successivement de la fonte, du fer et de l’acier. L’édifice le plus important est un énorme bâtiment haut de trois étages et à l’épreuve du feu. Au rez-de-chaussée, on forge des sabres, des épées, des baïonnettes, des cuirasses et des