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L’entrée des Khalkas dans l’alliance russe date de la tournée que le général Mouravief a faite en 1857 dans les districts au-delà du lac Baïkal et dans les établissemens du fleuve Amour. Cet officier-général, un des hommes les plus remarquables que la Russie ait produits, à peine en possession du gouvernement de la Sibérie orientale, a voulu que son administration fût le point de départ d’une ère nouvelle pour ces contrées lointaines. Il a donné une vive impulsion à la colonisation, et en 1857 il a créé deux villes nouvelles, Werchnolensk et Balagansk dans le district d’Irkoutsk, qu’il a dotées de marchés et d’édifices publics. Irkoutsk est devenue par ses soins une grande et belle ville, offrant toutes les recherches et toutes les commodités des cités européennes, pourvue de bazars bien approvisionnés, d’hôtels, de cercles et de cafés. Toute protection et toutes facilités ont été assurées au commerce sibérien, et malgré les troubles intérieurs de la Chine, jamais il ne s’est conclu plus d’affaires à Kiachta : il s’y est vendu en 1857 cent trente mille caisses de thé, chiffre qui n’avait jamais été atteint. Une preuve manifeste de la prospérité extraordinaire de la Sibérie, c’est le petit nombre des exilés politiques qui ont profité de la dernière amnistie. Le général Mouravief avait cependant été autorisé à faire payer à chaque exilé qui voudrait retourner en Europe 150 roubles argent pour ses frais de voyage : très peu ont usé de la permission qui leur était accordée. Il en est sans doute qu’aucun lien ne rattache plus à leur pays natal, et qui se sont créé une famille nouvelle et une seconde patrie ; mais la plupart ont été retenus par les chances de fortune qui s’offrent à eux en Sibérie Ils ont été, malgré eux, les pionniers de la civilisation dans ces contrées déshéritées, et ils sont les premiers à recueillir les fruits des industries nouvelles qu’ils y ont introduites. L’agriculture, le commerce ou l’industrie ont largement récompensé les efforts de tous ceux qui ont cherché dans le travail une consolation à l’exil : les fortunes de 5,000 roubles argent ne sont pas rares parmi eux, et il en est de beaucoup plus considérables. Un Polonais, nommé Palevski, qui avait des connaissances mécaniques assez étendues, est devenu le principal intéressé dans l’exploitation de riches mines de cuivre ; il a établi un service de bateaux à vapeur sur l’Irtisch et sur l’Obi, et il a une part considérable dans la propriété des navires qui sillonnent aujourd’hui ces deux cours d’eau.

Un des obstacles aux progrès de la colonisation dans la Sibérie orientale est la cherté excessive de certains articles que nous sommes habitués à ranger parmi les nécessités de la vie. M. Atkinson, en visitant les magasins de Barnaoul, fut étonné du prix extravagant auquel se vendaient tous les objets de provenance européenne, et cependant Barnaoul était en communication régulière avec les entrepôts de l’Oural, et par eux avec l’Europe. C’était bien