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au bey une réponse qui lui arriva six mois après le départ de sa pétition. Son désir était légitime, lui disait le pacha, rien ne s’opposait à ce qu’il reçût satisfaction ; seulement il fallait ne pas se presser et attendre un moment favorable pour faire un bon coup de filet.

Ce n’étaient pas là, gardons-nous de le croire, de vaines paroles. Le protecteur d’Osman était résolu à saisir au passage la première queue de pacha qui se trouverait sous sa main pour en orner le chef de son gendre. Or la fortune n’est pas toujours dédaigneuse ni sourde. Pendant l’été suivant, les fièvres intermittentes sévirent avec violence dans la capitale de l’empire turc, et il se fit dans les rangs des pachas un vide considérable. Le conseil s’assembla tous les jours ; pendant un mois, il ne fut question que des queues à conférer. Jamais on n’avait vu pareille chose. On avait épuisé la liste des candidats naturels, de ceux qui occupaient dans la hiérarchie sociale le degré immédiatement au-dessous de celui de pacha ; puis, descendant toujours d’un échelon, on avait fini par arriver aux simples beys, c’est-à-dire à la multitude, car le titre de bey est aussi commun en Turquie que celui de don en Espagne ou en Italie. On remarqua bientôt quelques nominations excentriques ; le corps des pachas s’augmenta par exemple d’un garçon de café chez lequel l’un des ministres avait coutume d’aller fumer sa pipe, puis d’un palefrenier attaché à un autre membre du cabinet ottoman, et dont la taille svelte, les formes athlétiques se dessinaient fort avantageusement sur les chevaux arabes de son excellence. À peine ces dernières nominations furent-elles connues du public, que l’espérance et l’ambition s’emparèrent de tous les cœurs ; chacun découvrit que la carrière des honneurs lui était ouverte, les ministres furent assaillis par une nuée de pétitions, et la prophétie biblique se réalisa : « Les derniers seront les premiers. »

Fort heureusement le pacha beau-père d’Osman se souvint à propos de la pétition de son gendre. Un jour de plus, et Osman restait caïmacan à perpétuité ; mais ce malheur fut épargné à la Turquie. La pétition d’Osman fut présentée au bon moment, et le bey ne tarda pas à recevoir la nouvelle de sa nomination à la première dignité de l’empire. Il y eut ce jour-là de grandes réjouissances dans le harem de l’ancien caïmacan. Son excellence Osman-Pacha devait en effet retourner à Stamboul, et toutes ses femmes se promettaient de suivre leur glorieux maître dans ce pays féerique. Les belles ambitieuses ne savaient pas alors quelles déconvenues les menaçaient, car Osman, qui se rappelait les exigences de la formidable Zobeïdeh, n’osait ramener auprès d’elle que les plus vieilles et les plus laides de ses esclaves, et nous avons dit qu’Osman depuis son caïmacanat s’était dédommagé des privations qu’il s’était imposées jusque-là. Il fallut donc faire le triage : celles qui se distinguaient