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démonstration n’est possible. D’autres, aussi faciles à satisfaire que ceux-là le sont peu, peuplent d’esprits tous les recoins de l’espace. Ils en mettent dans les meubles, dans les murs, dans le sol qui les porte et dans l’air qu’ils respirent. On les voit évoquer nuitamment l’âme de leurs ancêtres, et apprendre ainsi des nouvelles de l’autre monde : de là des terreurs, tantôt ridicules, tantôt tragiques, auxquelles résistent les têtes solides, mais qui ébranlent les faibles et les envoient aux Petites-Maisons. Ni les défenses réitérées de l’église, ni la voix du bon sens, n’a crainte de prêter à rire aux générations prochaines n’ont pu arrêter les progrès de cette épidémie mentale. La nouvelle magie en est venue jusqu’à se proclamer sans façon fille légitime du spiritualisme ; mais celui-ci renie une telle parenté. Méthodique et patiente, la science ne prend en considération que les phénomènes avérés, et s’applique à découvrir le lien plus ou moins caché qui les rattache aux lois ordinaires du monde intellectuel ou physique ; sa marche est lente, mais elle en est plus sûre. Pour procéder ainsi, il lui faut du courage, car on lui sait moins de gré de la certitude des résultats qu’elle obtient qu’on ne lui reproche le temps qu’elle met à les conquérir. Que lui importe ? A ses yeux, la question n’est pas tant d’aller vite que de bien arriver. Le temps d’ailleurs est un puissant auxiliaire, et qui en amène d’autres avec lui, témoins ces physiologistes autrefois les adversaires, aujourd’hui les amis de la philosophie de l’esprit. Avec leur concours, le spiritualisme, sans cesser de décrire les faits et de poser les lois de la vie éveillée, analyse maintenant les phénomènes et commence à dégager les lois tant de la vie endormie, qui est la moitié de notre existence, que de la vie morbide, qui en est, hélas ! une notable part. Dans celle-ci comme dans la première, sous les organes qui la captivent ou la déchaînent, l’abattent ou l’exaltent, il retrouve avec la même évidence et proclame avec la même foi l’âme raisonnable, active, immortelle, libre quand elle règne sur le corps, asservie, aveugle et profondément digne de pitié quand le corps règne sur elle. C’est par de semblables recherches, et par de plus hautes même, que la philosophie spiritualiste a souvent répondu et répondra encore à ceux qui l’accusent de négliger la théorie pour ne s’occuper que d’histoire et de critique.


CHARLES LEVEQUE.