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et Tunis, était capturé en mer par quelques révolutionnaires qui avaient pris passage à son bord. Le capitaine était réduit à l’impuissance. Toutes les mesures étaient habilement combinées, et, maîtres désormais du bâtiment, les insurgés changeaient de route, cinglant aussitôt vers les côtes napolitaines. Les auteurs de cette étrange expédition faisaient d’abord une descente à l’île de Ponza pour délivrer des détenus avec lesquels ils entendaient former leur armée, puis ils allaient débarquer à Sapri. L’insurrection était bientôt vaincue. De son côté, le Cagliari, rendu à lui-même, c’est-à-dire à la direction de son capitaine, se disposait, paraît-il, à se diriger vers le port de Naples pour informer le gouvernement de ce qui venait de se passer, lorsqu’il était surpris par deux navires de guerre napolitains. Dès lors l’affaire s’aggravait singulièrement ; le conseil des prises du royaume des Deux-Siciles était saisi pour décider si le Cagliari devait être considéré comme butin de guerre ; l’équipage lui-même allait avoir à subir toutes les lenteurs et peut-être les rigueurs d’un jugement devant une haute cour instituée à Salerne pour prononcer sur tous les faits de l’insurrection. Ce sont là les circonstances premières qu’il ne faut point oublier. Deux états pouvaient intervenir : la Sardaigne dont le pavillon flottait sur le Cagliari, et l’Angleterre, comme protectrice de deux sujets britanniques, mécaniciens du bâtiment séquestré. Dans le premier moment, le Piémont n’a élevé aucune objection officielle, l’Angleterre elle-même n’a pas pris la défense de ses nationaux avec cette promptitude et cette âpreté hautaine qu’elle met en ces sortes d’affaires, parce que les premières communications du gouvernement des Deux-Siciles tendaient à constater que le Cagliari avait été pris dans les eaux napolitaines ; on attendait le résultat des instructions judiciaires qui étaient engagées.

Bientôt cependant la question s’est compliquée. L’un des mécaniciens anglais mis en jugement est devenu fou ; de plus, on est arrivé à découvrir que le Cagliari avait été pris, non dans les eaux napolitaines, comme on l’avait dit d’abord, mais en pleine mer. Alors ont commencé des réclamations sérieuses. Comment s’est défendu le gouvernement napolitain ? Il a premièrement décliné toute intervention diplomatique en se fondant sur les actions judiciaires qui se poursuivaient, soit devant le conseil des prises, soit devant la cour supérieure de Salerne. Malheureusement cela ne pouvait plus suffire ; la capture du Cagliari apparaissait sous un nouveau jour. Le droit des gens détermine les cas où un bâtiment marchand peut être capturé en pleine mer, et le Cagliari ne se trouvait dans aucun de ces cas, de sorte qu’à côté des questions de fait déférées aux tribunaux napolitains, il s’élevait une question internationale entre les deux gouvernemens. Voilà justement la guerre diplomatique allumée. Elle n’a fait que grandir depuis le premier moment. Le cabinet de Turin a réclamé nettement la restitution du bâtiment capturé et la mise en liberté de l’équipage ; le gouvernement napolitain, de son côté, refuse de faire droit à une réclamation ainsi formulée. Pour l’instant, la querelle en est venue à ce point que le Piémont, dans sa dernière communication au gouvernement napolitain, laisse percer la menace d’une rupture dans le cas d’un refus persistant. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que le cabinet de Turin n’est allé si loin peut-être que parce qu’il se croyait soutenu par l’Angleterre. Il était effectivement très fondé