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d’Alesia, Vercingétorix a vu le mouvement des siens ; il sort aussitôt de la place ; ses troupes sont pourvues de fascines, de perches, de faux et de toutes les machines qu’il avait préparées pour faciliter une sortie générale. La bataille s’engage partout à la fois. Les Romains semblent bien peu nombreux pour défendre contre de telles masses une double enceinte aussi vaste ; placés en quelque sorte dos à dos, ils témoignent quelque trouble au bruit de cet autre combat qui se livre derrière eux, tandis qu’ils sont eux-mêmes aux prises, car les plus braves s’émeuvent à l’idée que leur salut dépend du courage d’autrui, et rien ne semble plus redoutable que le danger invisible.

César s’est placé en un lieu d’où il peut tout voir et diriger le mouvement de ses réserves. Il a promptement jugé que l’action décisive est au sommet de la pente, au point de la circonvallation qu’attaque Vercassivellaun ; car le terrain y est défavorable aux Romains, et les Gaulois montrent un extrême acharnement. Les uns lancent des projectiles ; d’autres s’avancent en faisant la tortue ; ils comblent les fossés, les trous-de-loup, etc. ; ils vont donner l’assaut. Les armes et les forces manquent déjà aux défenseurs. Le proconsul les fait soutenir par six cohortes. Il donne le commandement supérieur de cette partie de l’enceinte au plus éprouvé de ses lieutenans, à son alter ego, à Labiénus ; il lui prescrit de défendre le rempart à outrance, et à la dernière extrémité de sortir avec ses troupes pour tenter une charge à fond. Puis il pourvoit à d’autres dangers. La garnison de la place a renoncé à toute tentative là où le terrain est peu accidenté à cause du grand relief qu’y présentent les retranchemens ; elle essaie d’escalader la partie de la contrevallation qui couronne des pentes escarpées. Les soldats de Vercingétorix font pleuvoir une grêle de traits sur les tours et le rempart, jettent dans les fossés de la terre et des fascines, renversent la palissade à coups de faux. César leur oppose le jeune Brutus avec quelques cohortes, puis un second détachement conduit par Fabius. Enfin, le péril croissant, il y court lui-même, rétablit le combat, repousse l’ennemi, et se dirige vers le point où il a déjà envoyé Labiénus.

Celui-ci a indistinctement appelé à lui tous les détachemens qui étaient à sa portée ; il a ainsi réuni jusqu’à quarante cohortes, et cependant il ne peut plus défendre le retranchement ; il fait passer à César un avis pressant. Le proconsul prescrit à la moitié de sa cavalerie de sortir des lignes pour prendre l’ennemi à dos. Il garde l’autre moitié avec lui, enlève une dernière réserve de six cohortes, et presse sa marche, brûlant d’avoir part à ce suprême engagement. De loin, on le reconnaît aux vêtemens éclatans qu’il avait