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diatement leurs adversaires sous une grêle de pierres et de projectiles ? Comment le proconsul aurait-il exposé ses légionnaires à un péril aussi redoutable, lorsqu’en reculant son tracé de quelques centaines de mètres il pouvait exécuter ses travaux avec une sécurité relative au-dessous de l’arête qui ferme au sud la vallée de Fouré, sur Camp-Baron, et en arrière du confluent du Lison avec le Todeure. Il est vrai qu’alors la contrevallation aurait dix-neuf mille mètres, et le texte des Commentaires est là ; elle ne peut pas avoir plus de seize mille mètres.

Veut-on admettre, contrairement à ce qui paraît être l’opinion de M. Delacroix, que les Gaulois s’étaient réellement renfermés dans l’oppidum et avaient évacué cette partie du massif que couvre la forêt de Ferrans ? Alors la contrevallation ne passera plus ni à Nans, ni à Camp-Baron : elle quittera le Lison à la hauteur de Saraz, et de là gagnera Charfoinge ; mais il faut, dans ce cas, ou l’étendre inutilement sur d’autres points, ou lui donner moins de quatorze mille mètres[1]. D’ailleurs, le massif une fois entamé, la défense de la place serait devenue bien difficile ; un siége ordinaire, suivi d’une attaque de vive force, eût coûté à l’armée romaine beaucoup moins de peine qu’un blocus et présenté plus de chances de succès.

Passons à l’examen de la circonvallation. Cette ligne se serait rattachée au camp, ou plutôt au principal camp de César, établi, comme nous l’avons dit, entre Amancey, Éternoz et Coulans ; elle aurait passé par Nans et le Fouré comme la contrevallation, enveloppé Camp-Baron, Myon et le mamelon au sud-ouest de ce village, puis suivi les hauteurs entre le Lison, Doulaize et Refranche, pour rejoindre le quartier-général du proconsul, qui en aurait formé comme la citadelle et le réduit. Le périmètre que les Romains auraient eu ainsi à fortifier et à défendre contre l’ennemi extérieur aurait été de trente mille mètres, et non de vingt mille, comme le disent les Commentaires. Encore, pour ne pas donner plus d’étendue à la circonvallation, faut-il admettre que César l’avait tracée dans le fond du Fouré, au lieu de lui faire suivre l’arête qui domine cette vallée, et qu’il lui avait fait décrire un rentrant inexplicable sur Charfoinge, au lieu de la porter naturellement sur les rochers de Conches.

Après avoir lu le récit de César et comparé sa situation, ses forces avec celles de l’ennemi, nous étions resté frappé des difficultés qu’il avait dû surmonter pour exécuter tout ce qu’il décrit ; mais combien toutes ces difficultés augmentent dans l’hypothèse que nous discutons ! Les vingt-trois redoutes qu’il a construites tout d’abord ne

  1. Le commandant de Coynard a essayé de figurer sur la carte un tracé de ce genre sans pouvoir arriver à un résultat satisfaisant.