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près la moitié des dépenses générales et plus des deux tiers des recettes ordinaires de l’état, est hors de proportion avec les forces financières du pays et plus coûteuse que celle de tout autre gouvernement connu. L’adoption d’un pareil système administratif ne pourrait donc être justifiée que par des raisons politiques de la plus haute gravité.

Nous venons de toucher ici à la question principale qui dans ce moment agite et divise les partis politiques en Autriche. Nous voulons parler de la question de l’administration, ou, ce qui dans cet empire veut absolument dire la même chose, de la politique intérieure.


III.

En remontant aux principes de toute administration politique, on reconnaît qu’il y a deux systèmes principaux d’après lesquels se gouvernent les pays du monde civilisé : celui de la centralisation administrative et celui du self-government.

Le premier de ces systèmes consiste à réunir toute l’action administrative, même dans les affaires locales et provinciales, entre les mains de fonctionnaires salariés dépendant du gouvernement central, qui les surveille et les dirige incessamment et uniformément. Ce système divise la nation en deux classes très distinctes sous le rapport du nombre et de l’importance. La première se compose de quelques milliers d’administrateurs, la seconde du reste de la nation, des administrés. Cette dernière conserve tout au plus dans les affaires qui l’intéressent un vote consultatif, qu’elle exerce par le moyen des conseils généraux, états provinciaux, ou autres corporations semblables. Du reste, l’administration publique fonctionne comme une grande machine, suivant des principes invariables et simples, sous la direction et l’exclusive responsabilité du pouvoir central. C’est à ce système, l’une des conquêtes de 1789, que la France doit sa grandeur, mais aussi les nombreuses révolutions politiques qui l’ont agitée depuis cette époque. Il est clair que lorsque toute action et tout pouvoir de résistance sont concentrés sur un seul point, il suffit d’un coup de main heureux pour se rendre maître à la fois du pouvoir et du pays.

L’autre système part d’un principe opposé : il abandonne le soin des affaires locales et provinciales aux notabilités de l’endroit qui, par leur fortune et leurs qualités personnelles, offrent les garanties nécessaires ; il leur confie en un mot l’administration publique en première instance, réservant au pouvoir central le droit de nomination (quelquefois à vie, quelquefois pour un temps limité) à ces