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la Société d’Acclimatation, entreprend des essais d’une haute importance. Ses relations, étendues aujourd’hui dans toutes les parties du monde, nous permettent d’espérer la solution scientifique, pratique même, d’une série de problèmes qui intéressent toutes les nations. Il s’agit d’abord de distinguer, parmi les espèces animales et végétales qui sont l’objet d’applications usuelles dans les contrées étrangères, celles qui pourraient être introduites chez nous avec la même utilité. Les résultats, quels qu’ils soient, d’une aussi vaste entreprise doivent en définitive tourner au profit de la science, car ils ne peuvent manquer d’apporter dans son domaine un grand nombre de faits nouveaux, curieux et bien observés. Le côté pratique de la question présentera en revanche d’assez graves obstacles, car il ne suffira pas d’avoir rendu l’acclimatation possible, il faudra suivre les développemens des êtres utiles transportés sur notre sol au milieu des influences variées d’un climat plus ou moins différent de celui qui semblait convenir le mieux à leur existence. Plusieurs tentatives encore trop récentes pour être définitivement jugées ont fait entrevoir la possibilité de très profitables acquisitions, tout en donnant prise dans l’ordre pratique à des objections sérieuses.

Parmi ces conquêtes promises, deux plantes de récente introduction occupent aujourd’hui au plus haut degré l’attention des savans et des agriculteurs[1]. Ce sont le sorgho saccharifère et l’igname de Chine, qui faisaient partie en 1851 du même envoi adressé à la Société de géographie par M. de Montigny, consul de France à Shangaï. Par les emplois nombreux qu’on lui présage, le sorgho semble menacer à la fois d’une concurrence redoutable non-seulement la canne à sucre et la betterave, mais encore la production des liqueurs alcooliques de tout autre origine. Quel est le résultat probable des essais d’acclimatation de ce végétal et de l’igname de Chine? Le sorgho en particulier remplit-il les conditions indiquées par le problème qu’il s’agit de résoudre? Nous offre-t-il une nouvelle source d’alimentation à la fois économique et abondante, une matière première utile dans l’industrie nationale? C’est ce qu’il me semble opportun d’examiner. Je donnerai d’abord une description sommaire de la plante; j’indiquerai les conditions favorables à son développement, à la sécrétion du sucre qu’elle accumule dans les tissus de sa tige, à la maturation de ses graines, et comparativement les pro-

  1. Depuis 1854, de nombreux écrits ont été publiés sur le sorgho, et ce qui domine surtout dans ces études, c’est, à côté de réserves trop peu nombreuses, un vif sentiment de confiance dans l’avenir de la nouvelle plante. Nous citerons particulièrement les Recherches sur le Sorgho sucré, de M. Vilmorin, la Monographie du Sorgho à sucre, par le docteur Sicard, l’Alcoolisation des tiges du Maïs et du Sorgho sucré, par M. Duret, etc. L’igname a été aussi l’objet de quelques travaux qui remontent à la même époque, et parmi lesquels on remarque ceux de MM. Decaisne, Pépin, Carrière, Vilmorin, ainsi que les documens publiés par les sociétés centrales d’agriculture et d’horticulture.