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que de la transformation facile des sucres, l’un cristallisable et les autres non cristallisables, en alcool par les voies ordinaires de la fermentation et de la distillation. Le jus du sorgho à l’état normal fermente en effet spontanément, ou n’exige que de faibles quantités de levain de diverses origines; la distillation, qui s’effectue également sans peine, donne directement des liquides alcooliques plus agréables au goût et plus faciles à rectifier que les alcools bruts des grains et des divers tubercules. Néanmoins d’autres embarras économiques subsistent et méritent la plus sérieuse attention.

Dans ces derniers temps, la distillation alcoogène, en raison même du retour des récoltes de vin à un état plus normal, a subi une complète transformation : si l’alcool dans les grandes entreprises manufacturières est toujours le produit principal, dans les exploitations rurales ce n’est plus qu’un produit d’importance secondaire. Sans doute il procure des recettes en argent fort utiles aux agriculteurs, mais ceux-ci peuvent en bonne administration voir sans inquiétude abaisser le cours jusqu’au point où le profit complexe et très notable qu’ils obtiennent des résidus de la distillation appliqués à l’alimentation du bétail ne compenserait plus le bas prix de l’alcool. Aussi a-t-on vu, comme il nous était facile de le prévoir[1], les distilleries agricoles se maintenir lorsque la dépréciation des alcools a déterminé la cessation des travaux dans les distilleries purement industrielles. Si nous ajoutons que, chez les agriculteurs manufacturiers, le prix de revient de l’alcool est encore très notablement inférieur aux cours actuels, on comprendra la difficulté d’établir des calculs offrant des bénéfices probables aux grandes usines de ce genre, puisque ces bénéfices, tels qu’on les supputerait aujourd’hui, reposeraient sur des prix qui peuvent descendre encore et atteindre une limite où les agriculteurs ne trouveraient que difficilement une compensation à leurs frais de distillation dans le double produit obtenu : alcool vendable et résidu appliqué à la nourriture de leur bétail.

Ces conditions générales ne sont pas les seules qui assombrissent l’avenir des grandes distilleries de sorgho. Les espérances que l’on a conçues pour elles sur la nouvelle plante, très riche assurément en substance alcoolisable, pourraient bien être trompées. Si, comme le prouvent toutes les observations d’expérimentateurs habiles, il faut attendre, pour obtenir le maximum de produits en tiges, matière sucrée et graines farineuses, que la plante soit parvenue à sa maturité complète, il est à craindre que les portions inférieures les plus ligneuses de la tige, — après l’opération qui aurait enlevé la plus grande partie du jus sucré, — ne soient difficilement applicables à

  1. Revue des Deux Mondes du 1er novembre 1857.