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du gouvernement par l’abolition de l’autorité. Ab unâ disce omnes. On retrouve dans toutes les idées de M. Brownson quelque chose de l’esprit qui a dicté cette théorie. M. Brownson a été démocrate à outrance et socialiste effréné ; il n’est pas complètement revenu de ses hérésies, qui n’ont pas peu contribué à sa conversion. Il y a encore en lui beaucoup du socialiste et du saint-simonien, et il serait imprudent de répondre que le vieil homme ne se réveillera pas en M. Brownson. Publiciste distingué, il a pris part à toutes les discussions qui ont agité l’Union depuis trente ans, et il a publié un certain nombre d’essais, principalement sur les questions sociales. Il a été ministre universaliste et a rédigé un journal universaliste; il a été quasi ministre unitaire et a collaboré aux journaux unitaires. Son œuvre principale est la publication d’un recueil périodique, the Quarterly Review, qu’il a rédigé à peu près seul, pendant de longues années, avec une activité et une hardiesse remarquables. Il écrit d’un style net, rapide, terne et sans chaleur; la vivacité chez lui est dans l’idée et non dans l’expression. Quoiqu’il abonde en points de vue, il lui arrive rarement de solliciter la pensée de son lecteur et d’éveiller sa sympathie. Il s’agite et ne s’anime jamais; il gesticule et ne s’émeut pas. Il est aujourd’hui dans sa cinquante-cinquième année, et a trouvé dans le sein de l’église catholique un repos nécessaire peut-être à son esprit mobile, mais dont son âme peu rêveuse et peu inquiète n’a pas dû souvent sentir le besoin.

Laissons-le raconter lui-même les expériences de sa vie morale. J’ai dit qu’il était prédestiné dès son enfance à devenir catholique. Dans le récit qu’il nous fait de son enfance, nous trouvons une circonstance qui appuie notre assertion. Quelles que soient les doctrines que, dans le cours de notre vie, notre esprit ait adoptées, il est rare que nous songions à répudier l’église dans laquelle nous avons été élevés. Nous conservons toujours un respect véritable pour cette nourrice qui commença notre éducation morale, et nous tournons avec bonheur notre pensée vers nos premières impressions religieuses. Demander à la plupart des hommes de changer de religion, autant vaudrait leur demander d’outrager leur enfance. Or ce sentiment a toujours été étranger à M. Brownson. Il n’a jamais eu d’éducation religieuse et n’a été élevé dans aucune église. Lorsqu’il entra dans la vie, il était donc libre de tout souvenir religieux, indifférent et impartial à l’endroit de toutes les sectes. Si M. Brownson eût été élevé dans la plus misérable des sectes, il ne serait pas devenu aussi aisément universaliste et unitaire, presbytérien et saint-simonien, et sa conversion définitive aurait été certainement plus difficile. De saints préjugés l’auraient protégé contre l’erreur et même contre la vérité, de pieux souvenirs auraient retenu sa langue