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végétal et en combustible minéral. On voit auquel de ces deux combustibles appartient l’avenir dans cette production de la chaleur, de cette « force souveraine et dirigeante qui anime tous les travaux des manufactures, disait dernièrement M. Dumas sur la tombe d’un savant, M. Péclet, qui s’est particulièrement occupé de l’étude de la chaleur, — de la force qui d’un côté donne la vie à toutes leurs machines, qui de l’autre met en mouvement, dans les foyers des usines chimiques ou métallurgiques, toutes les matières qu’elles produisent ou transforment pour nos besoins. »

Dans le même ordre d’idées, je ne dois point omettre un enseignement curieux qui ressort tout naturellement de la comparaison des chiffres que je viens de citer avec des chiffres analogues publiés, il y a vingt ans, par l’administration des mines en tête d’une notice sur la production et la consommation des combustibles minéraux en France. En 1837, époque à laquelle on supposait déjà à tort une importance relative beaucoup trop grande au combustible végétal, l’étendue du sol forestier était un peu supérieure ; il en était de même de la production du bois et de la consommation du combustible végétal. Bref, cette source première de chaleur est restée sensiblement stationnaire, tandis que, depuis vingt ans, les chiffres relatifs au combustible minéral ont cru dans des proportions considérables. Ainsi la production en 1857 est deux fois et demie au moins ce qu’elle était en 1837, et pendant cet intervalle la consommation a certainement triplé. C’est que le bois est à la fois cher et d’un usage peu commode, tandis que l’homme trouve dans la houille un énergique moyen d’action qui répond à tous les besoins de l’industrie. Grâce à la houille, l’homme, qui a bien vite exténué les animaux, qui ne trouve dans l’agitation naturelle de l’air qu’un moteur élémentaire, dans l’eau qu’un moteur irrégulier, également paralysé durant l’hiver et durant l’été, et dont il ne peut se servir que là où la Providence l’a placée, grâce à la houille, dis-je, l’homme a su faire de la vapeur le levier de l’industrie moderne. Je ne voudrais cependant pas qu’on tirât de mes paroles cette conclusion, que l’humanité me semble destinée à déchoir le jour où la houille lui fera défaut. Il n’est douteux pour personne que l’homme ne sache un jour remplacer la chaleur par un nouveau moteur, comme il a remplacé par elle les moteurs animés, l’air et l’eau, dont il a successivement su tirer un si merveilleux parti. Déjà même la force mystérieuse de l’électricité ne s’apprête-t-elle pas à détrôner le charbon et la vapeur d’eau ?


E. LAMÉ-FLEURY.