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Pierre Ier termina en 1830 sa longue et glorieuse vie. Pierre II continua son œuvre de civilisation. S’il ne parvint pas à supprimer entièrement la coutume barbare de la vendetta, il habitua du moins les Monténégrins à l’action d’une police régulière. Il établit un impôt direct, institua un sénat, créa un corps régulier de périaniks, troupe d’élite chargée de veiller à la sûreté publique et d’exécuter les ordres du gouvernement. Il donna enfin à son peuple cette organisation politique et administrative qui, développée depuis par son neveu, rapproche chaque jour davantage le Monténégro des états de l’Europe civilisée.

Nous ne parlerons des rapports de Pierre II avec l’Autriche et avec la Turquie que pour noter que, dans ses cessions territoriales à la première de ces puissances et dans les arrangemens qu’il fit avec la seconde au sujet de Grahovo, il a toujours traité avec elles en souverain indépendant. Le vladika de l’indépendant Monténégro, tel est le titre que les vizirs turcs eux-mêmes lui donnent dans les actes officiels. Si en effet la possession d’état peut jamais fonder le droit d’un pays à l’indépendance, celui du Monténégro est incontestable, et le résumé historique qu’on vient de lire aura suffi, nous l’espérons, à établir cette vérité.

La veille de sa mort, le vladika Pierre II fit appeler les principaux chefs monténégrins, et leur dit : « J’ai fait trois copies de mon testament ; la première est à Vienne, la seconde à Saint-Pétersbourg, et la troisième au consulat de Russie à Raguse… Je vous annonce que j’ai choisi pour successeur mon neveu Danilo, que j’ai envoyé achever son éducation au dehors. Je prononce l’anathème contre celui qui manquerait à mes dernières volontés. Je veux que mon testament soit lu à tous les chefs du pays assemblés solennellement à Cétinié. » Le lendemain, 31 octobre 1851, le vladika mourut après un règne de vingt et un ans. Aussitôt le sénat chargea deux périaniks d’aller chercher à Raguse l’un des exemplaires du testament. Pendant ce temps, les députés des tribus monténégrines se rassemblèrent dans la plaine de Cétinié. Quand les envoyés furent de retour, le secrétaire d’état Dimitri Milakovitch leur lut à haute voix le testament, et les députés, s’étant inclinés devant les volontés de leur prince-évêque, allèrent les publier dans toute la contrée.

Le jeune Danilo, qui se trouvait appelé à régir les nouvelles destinées de la Montagne-Noire, était né à Cétinié en 1823. Il avait par conséquent vingt-trois ans. Après lui avoir fait donner une éducation brillante, son oncle avait voulu lui faire compléter ses études par des voyages en Europe. C’est à Vienne, où il séjournait depuis quelque temps avant d’aller à Saint-Pétersbourg, que Danilo apprit