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REVUE. — CHRONIQUE.

à la voix humaine une entière liberté d’allures, est un modèle qui a servi d’enseignement à tous les compositeurs dramatiques de notre époque, à Rossini surtout et à M. Auber dans la première phase de son talent. Ce sont les instrumens à cordes, ce qu’on appelle dans les écoles le quatuor, qui forment la base du discours symphonique de Mozart, qui n’emploie les instrumens à vent, tels que le basson, le cor, le hautbois, qu’avec une extrême réserve, et lorsqu’il importe de prêter à la passion la forme qui lui est nécessaire pour toucher les cœurs. Sans doute l’orchestre de Mozart n’a pas l’éclat de celui de Rossini, qui a élevé le diapason des instrumens à cordes de presque une octave, en semant partout et avec profusion les couleurs de sa belle et riche imagination ; mais si l’auteur du Barbier de Séville a eu raison d’écouter son génie, de parler la langue de son temps et d’obéir à l’instinct passionné de son pays, il n’en est pas moins vrai que l’idéal où s’est élevé Mozart dans plusieurs morceaux des Nozze di Figaro n’a jamais été atteint par aucun compositeur dramatique. Le sourire de Mozart est, comme celui d’Homère, un peu trempé de larmes. Il n’a pas l’alacrité, la turbulence ni le mordant de la gaieté de Rossini, qui était digne de comprendre l’esprit de Beaumarchais. Entre les deux vient se placer la gaieté sereine et bénigne de Cimarosa. Les Nozze di Figaro, il Matrimonio segreto et il Barbiere di Siviglia sont trois chefs-d’œuvre qui non-seulement expriment la virtualité des trois génies qui les ont conçus, mais qui révèlent trois modifications différentes de la gaieté et de la sociabilité humaines.

P. Scudo.

ESSAIS ET NOTICES
sur les publications nouvelles.

De toutes les choses contemporaines quelle est celle qui a un caractère plus universel, qui touche plus à tout, à la politique, à l’économie sociale, à l’industrie, aux relations internationales et aux relations privées elles-mêmes, que les chemins de fer ? Les chemins de fer grandissent, s’étendent ; ils ressemblent à un serpent de feu qui va bientôt enlacer l’Europe de ses replis. D’ici à quelques années, ils relieront la Mer-Baltique et le Pont-Euxin par l’intérieur de la Russie. L’Espagne, l’Espagne elle-même, vous l’avez vue fêter récemment l’inauguration de la ligne qui fait de Madrid un port de mer, qui met les Castilles à quelques heures de la Méditerranée. Il y a quelque temps encore, les chemins de fer étaient une nouveauté surprenante : maintenant ils sont partout, ils sont presque aussi vieux que l’étaient nos routes.il y a vingt ans ; mais que seront-ils dans un siècle ? Problème étrange et complexe que M. Audiganne vient de poser et qu’il étudie dans un livre sur les Chemins de fer, aujourd’hui et dans cent ans. Le choix de ce terme de cent ans n’a rien d’arbitraire ; il procède d’une pensée économique et administrative. Dans cent ans en effet, la plupart des concessions octroyées par les gouvernemens expireront, le génie des entreprises modernes aura rempli sa carrière, les chemins de fer seront un fait accompli, universel, et ils entreront dans une période nouvelle. Seulement d’ici là que sera-t-il advenu des lignes ferrées et de tant d’autres choses ? Telle est justement la ques-