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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/319

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« Que se passa-t-il à partir de ce moment ? On dit que le baron corrompit tous les gardiens du Stollborg, même la femme de confiance et même l’incorruptible Stenson ; mais je couperais ma main pour répondre de Sten, et la continuation des bons rapports entre ce digne homme et le baron est pour moi la preuve presque irrécusable de l’innocence de ce dernier. Ce qui transpira dans le public se compose de deux versions. La première, c’est que le baron aurait rendu sa belle-sœur tellement captive et malheureuse au Stollborg, qu’elle y aurait succombé à la misère et au chagrin. La seconde, c’est qu’elle y serait entrée folle, qu’elle s’y serait livrée à des emportemens déplorables, et qu’elle y serait morte dans des transports de rage et d’impiété, maudissant le culte évangélique et proclamant le règne de Satan.

« Dans tout cela, il n’y a qu’une chose certaine : c’est que l’état de grossesse avait été simulé, et que dix mois après la mort de son mari, et après trois mois de langueur physique et d’insanité d’esprit passés au Stollborg, la baronne y est morte dans les derniers jours de l’année 1746, après avoir avoué et même déclaré formellement au pasteur Mickelson et au baron qu’elle n’avait pas été enceinte, et qu’elle avait voulu supposer un enfant, qui eût été un garçon, afin de garder la gestion des biens de son mari et de satisfaire sa haine contre le baron Olaüs. Il y a encore une version, que je répugne à rapporter, c’est que la baronne serait morte de faim dans ce donjon ; mais Stenson a toujours repoussé cette accusation avec énergie. Quoi qu’il en soit, les derniers momens d’Hilda parurent enveloppés de ténèbres. Ses parens n’étaient plus, et ceux de son mari, effrayés des bruits répandus sur ses opinions religieuses, ne vinrent pas à son secours et fermèrent les yeux. Ils avaient toujours préféré le souple Olaüs, qui flattait leurs préjugés, au fier Adelstan, qui les avait froissés. On dit que le roi entendit parler de cette histoire, et qu’il eût souhaité l’éclaircir ; mais le sénat, où Olaüs avait des amis puissans, fit prier le roi de se mêler de ses affaires, c’est-à-dire de ne se mêler de rien.

« Mon père était fort malade lorsque le baron Olaüs vint lui raconter à sa manière la mort de sa belle sœur. Pour la première fois, mon père manifesta un certain étonnement, un certain blâme. Il reprocha à Olaüs de prêter le flanc aux soupçons ; il lui dit que s’il venait à être accusé, sa défense serait difficile. Le baron lui montra la double déclaration du ministre Mickelson, lequel, comme médecin et comme pasteur, attestait la fausseté de la grossesse et la mort de la baronne par suite d’une maladie très bien exposée et très bien soignée par lui, au dire de tous les médecins consultés depuis. En outre, il produisit une déclaration signée de la baronne, qui affirmait