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des sujets familiers à tout Anglais, des steeple-chases, des têtes de chiens, des boxeurs. Ajoutez des chandeliers, des patères, quelques ustensiles de ménage, une ratière, des instrumens en fer pour grimper aux arbres, des ballons, des balles, des raquettes, des lignes à pêcher. Certes un pareil logement paraîtrait un Eldorado aux pauvres petits esclaves soumis à cette discipline monastique, militaire, communiste, si chère à la nation française.

« Vous êtes arrivé juste à point pour contempler un fameux spectacle, dit East à Toni. C’est aujourd’hui la grande partie de ballon à laquelle toute l’école prend part ; mais vous pouvez vous dispenser d’y assister autrement qu’en contemplateur, puisque vous ne connaissez pas toutes les règles. » Tom insiste pour y assister comme acteur. « Oh ! ce n’est pas une plaisanterie, comme vous pourriez le croire, répond East. C’est un jeu très différent de ceux de vos écoles particulières. Dans le semestre, il y a eu deux clavicules endommagées et une demi-douzaine d’élèves écloppés ; l’an passé, un élève s’est cassé la jambe. » Ce n’est pas une plaisanterie en effet. Tom Brown décrit minutieusement, à la manière homérique, la partie de ballon. On dirait les amusemens de jeunes berserkers Scandinaves : on se presse, on se pousse, on s’écrase. Tels devaient être les amusemens des héros des Niebelungen, Siegfried l’invincible et Hagen aux regards rapides, pendant leur enfance. Si dangereux que soit le jeu cependant, aucun des élèves n’est dispensé d’y assister, même les plus petits, quoique les prœpostors (élèves des classes supérieures chargés de la police de l’école) donnent carte blanche et liberté d’aller et de venir. East indique la véritable raison de cette tolérance : « Les prœpostors, dit-il, se fient à notre honneur. Ils sont sûrs qu’aucun des élèves ne voudrait déserter le combat. Celui qui ferait cela sait bien qu’il serait mis au ban de l’école. » Ainsi, bon gré, mal gré, l’enfant doit affermir ses nerfs et faire preuve de courage sous peine d’être un objet de honte, et de vivre comme un paria dans le mépris, la solitude et le déshonneur. La lâcheté est le crime irrémédiable, celui que rien ne peut excuser dans le code traditionnel des écoles publiques anglaises. Le Brutal lui-même, quoique haï de ses camarades, est moins détesté que le lâche. Aimer à donner des coups de poing, passe encore ; mais refuser d’en recevoir !…

Ce divertissement saxon doit naturellement engendrer un appétit irrésistible ; aussi est-il suivi d’un repas encore plus saxon que la lutte même. Quel repas ! on dirait le souper de jeunes paysans des comtés, tant ce qui s’y fait et s’y dit est populaire, naïvement grossier, brutalement candide, n’étaient certaines imitations des mœurs politiques qui indiquent une éducation plus relevée. C’est un de ces