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tlemen chargés par les tories de « protéger » les Ioniens les considéraient du même œil que les brahmanes « deux fois nés » regardent les parias et les tchandalas. Maitland confirma dans sa première proclamation (17 février 1816) tous les décrets de Campbell. On ne pouvait annoncer plus clairement que pour lui le « protectorat » équivalait à une véritable conquête. Cependant les actes de Campbell étaient tellement arbitraires, que Maitland fut obligé de révoquer les plus importans. C’est ainsi qu’il abolit le monopole des grains comme inutile et odieux, qu’il annula les sentences rendues, et qu’il disgracia honteusement le trésorier anglais, qui n’avait pourtant fait qu’obéir. Il alla jusqu’à nommer une commission pour accueillir les réclamations des Ioniens qui pouvaient avoir à se plaindre de son prédécesseur. Néanmoins, tout en voulant éviter au début les mesures excessives, il n’avait aucune intention sérieuse de respecter les traités. Le sénat se montrait au contraire fermement décidé à en obtenir l’exécution par tous les moyens possibles. Maitland, pour annuler cette opposition, remplaça le sénat, dont le président était M. Antoine Comuto, par un « conseil primaire, » présidé par M. le baron Emmanuel Théotoki, dont il attendait plus de docilité. Le ministère anglais ayant, dans un voyage que Maitland fit à Londres, approuvé sans restriction ces procédés autocratiques, le lord-commissaire annonça dans une proclamation (19 novembre 1816) qu’il avait l’intention de préparer lui-même la constitution qui lui paraîtrait le mieux convenir aux îles. Il était impossible de tenir moins de compte des stipulations du traité de Paris. En effet, l’Europe avait statué « que les états unis des Iles-Ioniennes formeraient un état libre et indépendant sous la protection exclusive de la Grande-Bretagne, que les habitans administreraient leurs affaires intérieures, qu’une assemblée législative serait convoquée pour rédiger une constitution sur les bases de la constitution alors existante, que jusqu’à la promulgation de cette constitution les formes d’administration existantes dans chaque île resteraient en vigueur. »

Maitland comprenait fort bien quelle était la faiblesse des Ioniens vis-à-vis de l’Angleterre; aussi se donna-t-il très peu de peine pour couvrir ses violences d’un voile de légalité. Lorsque les électeurs eurent été convoqués pour nommer le parlement, il désigna des officiers pour les présider et leur transmit une double liste de candidats destinée à guider leur choix. Chacun comprit le sens d’une pareille manifestation. Les candidats étaient les amis de ses conseillers ou de ses officiers. Un de ces législateurs, qui avait été geôlier, ne savait ni lire, ni écrire. Une fois l’élection faite, — si on peut donner le nom d’élection à une pareille comédie, — on joignit aux vingt-neuf députés les dix membres du conseil, et on en forma le corps législatif, dont la présidence fut confiée à M. Théotoki. Quoiqu’une