s’étant masqué avec soin, il lui ouvrit la porte avec beaucoup de politesse.
— C’est bien à maître Christian Waldo que j’ai le plaisir de parler ? dit le majordome en lui remettant la somme convenue.
— À lui-même, répondit Christian ; ne reconnaissez-vous pas ma voix et mon habit de tantôt ?
— Certainement, mon cher ; mais votre valet se masque aussi, à ce qu’il paraît, car je viens de le voir passer aussi mystérieux que vous-même et mieux couvert, ma foi, que je ne l’avais vu hier à votre arrivée.
— C’est que le drôle, au lieu de porter ma pelisse sur son bras, se permet de l’endosser. Je le laisse faire, c’est un grand frileux.
— Et voilà ce qui m’étonne ; hier, il m’avait semblé voir en lui un frileux plus petit que vous de la tête.
— Ah ! voilà ce qui vous étonne ?… dit Christian, appelant à son secours les ressources de l’improvisation. Vous n’avez donc pas fait attention à sa chaussure aujourd’hui ?
— Vraiment non ! Est-il monté sur des échasses ?
— Pas tout à fait, mais sur des patins de quatre ou cinq pouces de haut.
— Et pourquoi cela ?
— Quoi, monsieur le majordome ! un homme d’esprit comme vous me fait une pareille question ?
— J’avoue que je ne comprends pas, répondit Johan en se mordant les lèvres.
— Eh bien ! monsieur le majordome, sachez que si les deux operanti d’un théâtre comme celui-ci ne sont pas de taille à peu près égale, l’un des deux est forcé de laisser apercevoir sa tête, qui certes ne fait pas bon effet au niveau des burattini, et ressemblerait sur cette petite scène à celle d’un habitant de Saturne, ou bien l’autre, le plus petit, est forcé d’élever ses bras d’une manière si fatigante qu’il ne pourrait continuer pendant deux scènes.
— Alors votre valet met des patins pour se trouver à votre hauteur ? Ingénieux ! très ingénieux, ma foi ! — Et Johan ajouta d’un air de doute : — C’est singulier que je n’aie pas entendu le bruit de ces patins tout à l’heure, pendant qu’il descendait l’escalier.
— Voilà encore, monsieur le majordome, où vous laissez sommeiller votre sagacité naturelle. Si ces patins n’étaient garnis de feutre, ils feraient dans la baraque un bruit insupportable.
— Vous m’en direz tant !… Mais vous ne me ferez pas comprendre comment ce garçon, d’un esprit si vulgaire, a été si brillant pour vous seconder.
— Ah ! voilà, répondit Christian : c’est l’histoire de l’artiste en général. Il brille sur les planches (ici ce serait le cas de dire sous