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connaître ; il ne parlait pas le suédois, le dalécarlien encore moins ; il n’avait pu lier conversation qu’avec le majordome, qui parlait un peu français et qui était fort méfiant. Il ignorait donc absolument l’histoire de Christian au bal et ne savait réellement pas de qui le baron lui parlait. En le voyant surpris et démonté, le baron se confirma dans sa pensée qu’il l’avait confondu par sa pénétration.

— Allons, dit-il, exécutez-vous, et finissons-en. Dites tout, et comptez sur une récompense proportionnée au service que vous pouvez me rendre.

Mais l’Italien avait déjà repris toute son assurance. Persuadé que le baron était sur une fausse piste et décidé à ne pas livrer son secret pour rien, il ne songeait plus qu’à gagner du temps et à se préserver du mauvais parti que pouvait lui faire cet homme, réputé terrible, s’il refusait carrément de s’expliquer.

— Monsieur le baron veut-il me donner vingt-quatre mille écus et vingt-quatre heures, dit-il, pour mettre en sa présence et à sa disposition la personne qu’il a tant d’intérêt à connaître ?

— Vingt-quatre mille écus, c’est peu ! répondit le baron avec ironie ; mais vingt-quatre heures, c’est beaucoup !

— C’est peu pour un homme tout seul.

— Vous faut-il de l’aide ? J’ai des gens sûrs et très habiles.

— S’il faut partager avec eux les vingt-quatre mille écus, j’aime mieux agir seul, à mes risques et périls.

— Quelle action entendez-vous donc faire ?

— Celle que me prescrira monsieur le baron !

— Oui-dà ! vous avez l’air de me proposer…

En ce moment, le baron fut interrompu par une sorte de grattement derrière une des portes de son cabinet. — Attendez-moi ici, dit-il à Massarelli, et il passa dans une autre pièce.

Guido résuma vite la situation ; épouvanté du calme du baron, il jugea que le plus prudent pour lui était de traiter les affaires par correspondance : en conséquence, il alla vers la porte par laquelle on l’avait introduit. Il la trouva fermée au moyen d’un secret que, malgré une certaine science pratique, il ne put trouver. Il s’approcha de la fenêtre ; elle était à quatre-vingts pieds du sol.

Il essaya sans bruit la porte par laquelle le baron était sorti. Elle était aussi bien close que l’autre. Le bureau était ouvert et laissait voir une recommandable réunion de rouleaux d’or. — Ah ! se dit Massarelli en soupirant, les portes sont solides et les serrures sont bonnes, puisqu’on me laisse ici en tête à tête avec ces beaux écus ! — Et il commença à s’alarmer sérieusement de sa position. Il essaya d’écouter ce qui se disait dans la pièce voisine. Il n’entendit absolument rien. Or ce qui se disait dans cette pièce, le voici.

— Eh bien ! Johan, as-tu réussi ? As-tu vu la figure de ce Waldo ?