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deur des innovations et des importations, puisqu’elle veut du nouveau, eh bien ! au lieu de tant de ferraille, elle devrait importer un simple tube en fer-blanc, terminé à angle droit par deux fioles en verre, en un mot le niveau d’eau, qui permet de donner aux rigoles d’irrigation une pente convenable. Du reste, ce petit instrument est si simple, si peu coûteux, que je ne l’ai vu dans aucun pays figurer à une exposition agricole.

En résumé, l’Italie ne peut subvenir à la consommation en grains d’une population en général assez faible, et le déficit tient à l’agglomération de la population dans les villes. Cette agglomération, qui serait de bon augure pour la prospérité du pays, si la population était appelée dans ces centres par un travail industriel productif, est un fâcheux indice du peu d’activité de la classe moyenne, qui s’abstient de tout travail dès qu’elle possède le revenu le plus médiocre. Ce déficit tient encore non point à l’insuffisance des terres arables, mais à celle des engrais que ces terres reçoivent. Ce manque de principes fertilisans provient lui-même du nombre trop restreint d’animaux domestiques, restriction amenée par la pénurie des fourrages. Voilà surtout la source du mal. Pascere, semper pascere, ce mot d’un vieux Romain résumera toujours tout ce qu’on pourra dire et écrire sur l’économie rurale.

Si les Italiens se préoccupent peu des progrès agricoles, c’est qu’ils ont une mine inépuisable de richesse dans les nombreux étrangers qui visitent chaque année leur pays. Depuis longtemps, avec l’or marqué au coin de France, d’Angleterre et de Russie, ils auraient dû changer leur cuivre en argent. La Suisse, cette seconde terre classique du tourisme, s’est élevée à une prospérité générale qui a partout introduit l’aisance, le bien-être, la propreté, un luxe plein d’élégance. Les Italiens se trouveraient plongés peu à peu dans une misère profonde, si le goût des voyages pouvait porter ailleurs les gens désœuvrés et riches, les malades, les artistes. Ils doivent donc rendre surtout grâces à leur climat et à leurs sublimes artistes, qui n’ont pas seulement honoré l’Italie de leur génie, mais qui, par leurs toiles et leurs marbres, ont fait autant pour la richesse de leur pays que Watt pour l’Angleterre et Jacquard pour la France. Ne vaudrait-il pas mieux cependant faire reposer la prospérité nationale un peu moins sur les gloires du passé, un peu plus sur les efforts du présent? C’est une question que provoque naturellement l’état de l’agriculture en Italie, et un jour viendra, il faut l’espérer, où l’on s’occupera sérieusement de la résoudre.


VIDALIN.