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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/681

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quités. Le moraliste et le critique ne se rencontrent qu’en un point; mais ce point tient lieu de tout : c’est l’amour du bien et du vrai, et par conséquent de la liberté, condition de l’un et de l’autre. Le caractère bien plus que l’esprit est ce qui rapproche les hommes, et les plus grandes diversités d’opinion ne sont rien auprès de la sympathie morale qui résulte de communes espérances et de communes aspirations.

La critique de M. de Sacy est une critique de préférences personnelles. La littérature du XVIIe siècle dans les temps modernes, la littérature latine dans l’antiquité, voilà, je crois, les deux momens littéraires sur lesquels s’est porté son choix. « Je dois le confesser, dit-il, en littérature, mes goûts sont exclusifs. N’ayant jamais eu le temps de lire autant que je l’aurais voulu, je n’ai lu que des livres excellens; je les ai relus sans cesse. Il y a une foule de livres, très bons dans leur genre, je n’en doute pas, que tout le monde connaît, et avec lesquels je ne ferai jamais connaissance. C’est un malheur peut-être, mais malgré moi, et par un instinct dont je ne suis pas le maître, ma main va toute seule chercher dans une bibliothèque ces livres que les enfans savent déjà par cœur. » On ne dispute pas des goûts, et je reconnais tout ce que celui de M. de Sacy a d’exquis. Ici pourtant je me permettrai d’être un peu plus archaïque que lui. J’aime le moyen âge, j’aime la haute antiquité. Le beau, comme le bien, doit être cherché dans le passé; mais il ne faut point s’arrêter à mi-chemin : il faut remonter au-delà de toute rhétorique; le primitif seul est le vrai, et seul a le droit de nous attacher.

On ne peut refuser au XVIIe siècle le don spécial qui fait les littératures classiques, je veux dire une certaine combinaison de perfection dans la forme et de mesure (j’allais dire de médiocrité) dans la pensée, grâce à laquelle une littérature devient l’ornement de toutes les mémoires et l’apanage des écoles ; mais les limites qui conviennent aux écoles ne doivent pas être imposées à l’esprit humain. De ce que telle littérature est l’instrument obligé de toute éducation, et qu’il n’est personne qui ne doive dire d’elle : Puero mihi profuit olim, ce n’est pas une raison pour lui attribuer un caractère exclusif d’excellence et de beauté. Ce caractère exclusif, je ne puis l’accorder aux écrits du XVIIe siècle en particulier, quelles qu’en soient les durables et solides qualités. Les nations étrangères, sauf celles qui n’ont aucune originalité littéraire, ne comprennent pas l’attrait extraordinaire qu’ont pour nous les ouvrages de ce temps, et n’y voient qu’une littérature tertiaire, si j’ose le dire, un écho de la littérature latine, écho elle-même de la littérature grecque. Les Allemands, si larges et si éclectiques dans leur goût, qui ont travaillé avec tant de passion à éclaircir les moindres particularités de