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réformes libérales dans l’ordre civil ou politique. Il est facile de démontrer qu’à l’extérieur des conséquences tout aussi fâcheuses peuvent découler de cette intolérance aveugle. Il suffit pour cela de considérer un instant ce qui se passe autour de ce royaume, de calculer les périls constans du Danemark, et de quel prix serait, pour les affaires du Nord, l’ascendant respecté de la Suède.


II.

On sait dans quelle phase est entré le nouveau débat du Danemark avec l’Allemagne au sujet des duchés de Holstein et de Lauenbourg. L’Allemagne avait semblé exiger uniquement d’abord que les actes législatifs ayant rapport à la constitution intérieure des deux duchés fussent soumis aux délibérations consultatives des états provinciaux, après avoir été cependant décrétés par le pouvoir royal et même mis en pratique; le cabinet danois avait fini par y consentir. Allant plus loin, l’Allemagne a paru vouloir que la constitution commune de la monarchie danoise fût elle-même soumise à l’examen des états; le cabinet danois s’y est refusé. Le récent ultimatum de l’Allemagne était arrivé à Copenhague dans les premiers jours de juin 1858, et avait stipulé un délai de six semaines, après lequel la confédération devait employer les moyens de rigueur. Le délai était tout près d’expirer quand le Danemark a consenti, non pas à laisser examiner sa propre constitution par les états provinciaux, mais à suspendre cette constitution dans les deux duchés. Il a cédé en cela aux conseils de la France, de l’Angleterre, de la Russie, et fort sagement. L’expédient se trouve d’ailleurs fort heureusement imaginé, et notre seul regret est que la constitution commune ne soit pas tout entière abolie; mais a-t-on mis un terme définitif à l’ambition qui pousse l’Allemagne vers le Danemark? C’est ce qu’il faut examiner, tout en se félicitant de la trêve qui vient d’être signée.

Nous avons trop souvent démontré, pour qu’il soit besoin d’y insister encore, que la constitution commune imposée le 2 octobre 1855 par la Prusse et l’Autriche à la monarchie danoise, et reliant sous une même loi les états immédiats ou scandinaves et médiats ou allemands du roi-duc de Danemark, a été en réalité un piège où sont tombées, avec le Danemark, qui savait bien où on le précipitait et qui appelait en vain du secours, les puissances occidentales, mal instruites dès leur premier engagement en 1851, ou peu soucieuses. En garantissant ce que l’Allemagne décorait du beau nom d’intégrité de la monarchie danoise, on ne s’est pas aperçu qu’on garantissait peut-être en réalité les divisions intérieures, l’asservissement