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qu’elles renferment. L’analyse y démontre jusqu’à six centièmes de sucre cristallisable identique avec le sucre de canne. Cette richesse saccharine, favorable à la confection de quelques mets de luxe, agréable aussi dans certaines préparations où l’on ajoute des racines alimentaires plus sapides et moins sucrées, sera peut-être, en France du moins, un obstacle à une large consommation de ces tubercules. On préfère généralement chez nous, dans l’alimentation habituelle, les substances plus exclusivement féculentes ou amylacées dont la saveur se rapproche davantage du pain ou des pommes de terre. Les ignames seraient, à ce point de vue, préférables aux bâtâtes; mais il est probable que par degrés les habitudes pourront se modifier à mesure que les prix s’abaisseront : les bâtâtes alors pourront passer de la classe de nos alimens de luxe au rang de substance alimentaire usuelle qu’elles occupent chez plusieurs autres nations. Nos cultures algériennes sont dès aujourd’hui en mesure de subvenir à cette consommation : résultat utile en définitive, puisque la batate doit concourir à l’accroissement des subsistances, tout en variant la nourriture, qui par là même devient plus salubre.

Le tubercule féculent par excellence, celui qui s’adapte le mieux, et sous les formes de préparations alimentaires les plus variées, aux habitudes des populations européennes, la pomme de terre, figurait dans l’exposition de 1858 au nombre des produits de primeur de l’horticulture maraîchère. On y remarquait, sous la qualification de mahonaise, une belle variété hâtive dont la plantation avait eu lieu au mois de janvier. Plusieurs autres variétés de choix avaient été exposées par M. Cantu, de Coléah; une surtout, d’origine anglaise, dite Bristol, était caractérisée par sa richesse en fécule et sa qualité farineuse après la cuisson.

Quelque intérêt toutefois qu’on accorde à ces produits qui peuvent utilement varier l’alimentation, l’attention est plus vivement attirée encore sur ceux qui en sont la base véritable, les céréales. C’est depuis six ou sept années seulement que la culture des céréales a pris quelque extension en Algérie, et depuis cette époque de nombreux témoignages, les caractères extérieurs et les qualités nutritives des produits de chaque récolte, sont venus prouver que ce riche territoire n’a rien perdu de son antique fertilité. Pour bien apprécier toutefois la valeur des blés d’Algérie, il faudrait pouvoir les comparer aux principales espèces cultivées sur tous les points du globe. Il faudrait les voir figurer par exemple à cette exposition permanente des substances alimentaires des deux règnes en usage chez les divers peuples du monde qu’une association particulière vient de fonder à Londres[1]. Qu’on nous permette à ce propos

  1. Ce musée d’une nouvelle espèce pourra former une annexe de l’exposition universelle qui doit s’ouvrir pour la seconde fois à Londres en 1861, et parmi les innovations qui ont pris naissance depuis la première exposition de 1851, ce ne sera pas sans doute la moins curieuse.