Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lisses des unes et des autres de notables dissemblances : les premiers (blés durs), très résistans, compactes, translucides, jaunâtres, offrant dans leur cassure l’apparence de la corne, tandis que toute la masse du périsperme des autres (blés tendres) est blanche, opaque, et s’écrase aisément. Les différences dans la composition se manifesteraient clairement à tous les yeux. On verrait à côté de chacun de ces grains non-seulement les produits que la mouture en obtient, mais encore les principes que l’analyse sait en extraire; on reconnaîtrait facilement, par exemple à la simple inspection, que le gluten contenu dans un poids déterminé du blé dur est d’une fois et demie ou deux fois aussi volumineux et pesant que celui retiré du blé tendre. On comprendrait le rôle important qu’il remplit en gonflant la pâte, en allégeant la mie dans la fabrication du pain, si l’on observait de semblables échantillons de gluten ayant acquis par une chaleur ou température de 210 degrés, brusquement appliquée tandis qu’ils étaient encore tout frais et humides, ayant, dis-je, acquis par la dilatation de la vapeur un volume cinq fois plus considérable que leur volume primitif. Dès lors on s’expliquerait tout aussi facilement les principaux effets des altérations des grains et des farines (germination, fermentations, attaques des insectes, etc.), qui, agissant toutes sur le gluten, lui enlèvent la propriété de s’étendre, de se gonfler sous les influences déjà indiquées. La démonstration deviendrait même en quelque sorte matérielle à l’aspect des échantillons de gluten extraits de ces farines avariées, et qui, soumis à l’action du dégagement de la vapeur, restent déprimés et deux fois moins volumineux que les produits des grains de qualité irréprochable. On apprécierait généralement mieux les difficultés et l’intérêt profond que présentent les analyses immédiates en voyant placées les unes à la suite des autres, avec leur aspect propre, dans leurs états particuliers et dans les proportions où elles s’y trouvent, les différentes substances extraites du froment[1], dont les grains semblent à bien des gens formés d’une seule substance homogène.

  1. À ces principes déjà indiqués dans une précédente étude, — gluten, cellulose, amidon, substance huileuse, dextrine, sels solubles, phosphate de magnésie, de chaux, essence spéciale, — il faudra bientôt sans doute en ajouter deux autres lorsqu’on aura pu les isoler nettement : c’est la céréaline et une substance phosphorée dont le rôle dans la panification et la nutrition a été signalé à l’attention générale par M. Mège-Mouriès. La céréaline n’est peut-être qu’un état particulier de la diastase, principe actif végétal développé durant la germination des céréales, et tellement énergique qu’il peut liquéfier et saccharifier deux mille fois son poids d’amidon hydraté. La substance phosphorée, contenue dans le germe ou l’embryon situé à la base du grain, jouerait surtout un rôle important, et jusqu’à ce jour inaperçu, dans la nutrition. Ces observations sont dignes de l’attention la plus sérieuse, car elles ont servi de point de départ à un nouveau procédé de panification qui, s’opposant à plusieurs fermentations nuisibles, a permis de convertir en pain blanc la substance du grain située sous la partie corticale, et qui ne donnait que du pain bis. On a tiré ainsi de 100 parties de froment 110 de pain blanc au lieu de 94 obtenues généralement aujourd’hui. Une commission de l’Académie des Sciences a constaté la réalité des résultats annoncés par l’auteur; deux commissions nommées par les ministres de la guerre et de l’agriculture s’occupent de résoudre par des opérations en grand la question économique.