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bable néanmoins qu’aucun brasseur ou marchand de boissons de la génération actuelle ne sera témoin de l’abolition de son industrie; mais M. Hill les engage à ne pas destiner leurs enfans à un commerce qui doit s’amoindrir de jour en jour jusqu’à ce qu’il soit absolument interdit.

Tel est le langage de l’honorable recorder, et l’on doit y voir autre chose que l’expression d’un sentiment individuel et isolé. M. Hill est ici l’interprète d’une opinion fort répandue et devenue l’objet d’une de ces agitations qui ont fait triompher en Angleterre tant d’idées jugées d’abord impraticables. Une vaste association s’est formée depuis deux ans, sous le nom de l’Alliance du royaume-uni, pour opérer cette grande réforme diététique. Présidée par sir Walter Trevelyan, cette société a trente-trois vice-présidens, dont le premier est le comte de Harrington, un comité exécutif composé de vingt et un membres, une banque et un grand nombre d’agens dans toutes les parties des trois îles. Elle compte au nombre de ses adhérens la plupart des ministres de toutes les communions religieuses et tous les membres des anciennes sociétés de tempérance. Son siège principal est à Manchester. Elle y publie un journal hebdomadaire dont le but est d’obtenir par la voie législative la prohibition totale et immédiate du trafic de toute liqueur fermentée. On voit que ses prétentions vont au-delà des espérances du docte juge de Birmingham.

Dans un pays de monarchie constitutionnelle, ce n’est souvent qu’après beaucoup d’hésitations, de ménagemens et de débats, que la majorité parvient à imposer sa volonté au plus petit nombre; mais dans une république la pluralité des suffrages n’admet pas de réplique et tranche péremptoirement les questions sans se soucier de la liberté individuelle. Aussi les mesures légales contre l’ivrognerie, que l’Angleterre n’a pu obtenir encore, sont-elles adoptées déjà dans une partie de l’Amérique du Nord. Aux États-Unis d’ailleurs, l’alcool et la bière causent encore plus de maux que dans la Grande-Bretagne, et il est peu de familles qui n’aient à déplorer le sort de quelque victime de l’intempérance. En 1851, par une loi rendue sur l’initiative de l’honorable citoyen Neal Dow, l’état du Maine frappa d’une prohibition absolue le trafic de toute liqueur enivrante, sous peine d’une amende de 5 dollars pour la première contravention, de 10 dollars pour la seconde, de 10 dollars et d’un emprisonnement d’un mois pour la troisième. Au mois de janvier 1857, cette mesure était adoptée dans les états de Massachusetts, Rhode-Island, Vermont, Michigan, Connecticut, Delaware, Iowa, New-Hampshire. A la même époque, dans cinq autres états, le vin et le cidre pouvaient seuls se vendre en détail, et dans cinq autres toute boisson fermentée ne pouvait se vendre qu’en gros. Souvent