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s’étonnera sans doute de voir en cette circonstance la vigilante diplomatie de la Grande-Bretagne oublier ses traditions d’initiative pour ne venir qu’en troisième ligne après les deux puissances que nous venons de nommer : il est de fait que le commerce britannique n’a jamais manifesté d’empressement bien marqué à se créer des relations au Japon. C’est pourtant à l’intervention d’un Anglais, William Adams, qu’est dû l’établissement du plus ancien comptoir européen qui subsiste aujourd’hui dans ces îles, celui des Hollandais, et l’histoire de cet homme, conservée dans tous ses détails, offre un type curieux de l’existence d’un aventurier maritime au XVIe siècle. Parti de Hollande en qualité de pilote sur un bâtiment de la compagnie des Indes, on le voit arriver au Japon après deux années d’une dangereuse navigation dans laquelle s’étaient successivement perdus les quatre navires qui l’accompagnaient; il entre alors au service de l’empereur japonais, ne tarde pas à devenir l’un de ses confidens les plus intimes et à se voir gratifié de ce qu’il appelle naïvement « quelque chose comme une seigneurie en Angleterre. » Pendant dix ans, sa faveur ne fait qu’augmenter, si bien que lorsqu’un jour arrivent deux vaisseaux hollandais chargés de demander pour leur pavillon l’autorisation d’un commerce suivi, le matelot, devenu excellence, se trouva naturellement désigné pour les fonctions de négociateur. Toutefois, au sein de ses dignités, William Adams n’était pas heureux; le souvenir de la femme et des enfants qu’il avait laissés dans sa petite ville natale du comté de Kent le poursuivait sans cesse, et, l’empereur japonais refusant de consentir à son départ, Adams chargea les Hollandais de lettres pour sa famille. Par quelles circonstances, ces lettres, au lieu d’arriver à leur destination, furent-elles reçues par les marchands de l’association qui a précédé à Londres la célèbre compagnie actuelle des Indes orientales? On l’ignore; mais le résultat fut l’envoi immédiat au Japon de deux navires appartenant à cette corporation, afin d’employer l’influence d’Adams auprès du prince qui l’avait adopté. Le pauvre exilé obtint tout ce qu’on attendait de lui, et mourut, sans avoir revu les siens, sur la terre lointaine où il avait abordé vingt ans auparavant. Les Anglais, du reste, ne donnèrent aucune suite à cette tentative de relations, et l’on peut dire que depuis lors, sauf quelques cas isolés, ils n’ont pas reparu au Japon. N’oublions pas cependant que, s’ils tardaient ainsi à prendre position dans ce pays, en revanche ils avaient soin de s’assurer, avec la prévoyance qui leur est habituelle, les points les plus importans de la mer voisine, où leurs couleurs flottent dans le nord à Hong-kong, dans le sud à Singapour, et, sur la cote de Bornéo, à Labuan,

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